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Une Flûte enchantée version cinéma muet à Los Angeles

Cette Flûte qui d' abord se regarde, les  yeux de plus en plus écarquillés, car nous allons de (bonnes) surprises en (excellentes) surprises, … puis s'écoute, vaut surtout, on l'aura déjà compris, par la relecture insolite, souvent ahurissante, qu'en  donne l' équipe du « 127 », groupe théâtral berlinois (, ) en mal d'euphorie.

Relecture audacieuse, agrémentée des époustouflantes animations de Paul Barritt. Bien sûr, Mozart en pâtit quelque peu … Qu' importe ! Ne boudons pas notre plaisir ! Nous sommes à la fête ! …  ou plutôt, nous sommes au cinéma, au cinéma  des années 20.

Sur scène, un immense écran reproduit ces images souvent loufoques, singulières  et stylisées du muet. Les personnages  circulent devant cet écran pour parfois le pénétrer et se l' approprier. Les dialogues ne sont plus « dits » mais écrits, comme sur ces cartons d' un Murnau ou d' un D.W. Griffith. Mais clins d' oeil et références ne se bornent pas à cela… Pamina (costumes et coupe de cheveux) évoque Louise Brooks. Papageno (pork pie hat bien planté sur la tête et costume jaunâtre à carreaux) rappelle Buster Keaton ; Monostatos, Nosferatu. La Reine de la Nuit, mangeuse d'hommes, n'est qu' une énorme araignée aux gigantesques mille pattes. Tout ceci est conçu avec humour, originalité, maestria. On y rit, on y attend avec impatience le prochain gag ou le prochain gimmick. On en oublie Mozart ! Les scènes qui dérangent ou ne conviennent en rien au projet sont hardiment éliminées, tout rituel ou pseudo-rituel maçonnique est exclu, sans détour.

Plateau solide, sans excès. La Pamina de joue la comédie à ravir. Le timbre délicat, raffiné,  sait émouvoir. Blanchi à la craie, toujours en référence au muet, , instable au départ (dans une salle de plus de 3.000 places) a su se rétablir bien vite. Le couple Papageno-Papagena (Pogossov / Woodbury), juste et parfait, aux mimiques conviviales et spontanées, emporte l'adhésion, tout comme la Reine de la nuit d' (la vocalise reste bien prudente), tout comme le Sarastro vaillant, incisif d' ou le Monostatos de Rodell Rosel. Nos Trois Dames suggèrent, elles aussi, par leurs fripes, bibis et gestuelle, ces comédiennes et/ou troisièmes couteaux des années 20. Seuls l'orchestre et , idiomatiques et lyriques, sans oublier les excellents choeurs de Grant Gershon, semblent s'intéresser à Mozart. A trois kilomètres d' Hollywood, devant un public qui connaît son Busby Berkeley ou son King Vidor sur le bout des doigts (mais qui ne connaît pas nécessairement son Mozart sur le bout des notes) le concept fait mouche et est ovationné en fin de parcours.

Crédit photographique : (Papageno) ; (La Reine de la nuit), (de dos, Tamino) © Robert Millard

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