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Création des Vêpres de la Vierge Marie de Philippe Hersant

Deux créations mondiales étaient au programme des célébrations musicales du jubilé des 850 ans de Notre-Dame de Paris, le Livre de Notre-Dame donné le 22 octobre, composé de douze motets et d'une messe brève écrits par quinze compositeurs français, et ce soir les Vêpres de la Vierge Marie de . Point culminant de ce jubilé par l'ambition d'une grand œuvre d'une durée de 1H15 requérant la au grand complet, un ensemble de cuivres anciens, des cloches et deux orgues, ces Vêpres sont marquées par des beautés indéniables. L'impact est néanmoins tempéré par une tension musicale paradoxalement moins soutenue sur la durée que dans le Livre de Notre-Dame.

En cohérence avec l'événement du jubilé, s'inscrit dans un héritage chrétien de dix siècles. Sur la forme, il suit l'Office des Vêpres tel qu'il est pratiqué à Notre-Dame, avec l'Ave Maris Stella et le Magnificat chantés en latin, ceux-ci encadrant les Psaumes 121 et 126 et le Cantique aux Ephésiens chantés en français dans une traduction de XVIIème siècle de Lemaîstre de Sacy. Le compositeur a choisi cette traduction pour sa qualité littéraire qu'il jugeait insurpassable. A l'épreuve de l'écriture, ce texte lui a posé des problèmes en ce qu'il était beaucoup plus long que les traductions habituelles. Si l'idée de recourir d'une traduction d'une qualité littéraire ambitieuse est à l'honneur du compositeur, le langage de Lemaîstre de Sacy manque d'immédiateté. Cela a l'inconvénient de créer une distance avec l'auditoire, alors que Marie est traditionnellement la figure proche et rassurante entre le croyant et Dieu. Sur le plan musical, le Livre Vermeil de Montserrat (1399), Guillaume Dufay, Monteverdi ou Gesualdo sont convoqués comme autant de jalons de l'expression musicale de la foi et de la dévotion mariale.

En ouverture de l'œuvre, la Toccata & Invitatoire séduit par ses effets de reflets scintillants comme entourant un rai de lumière, puis débouchant sur l'appel pressant et angoissé de l'humanité « Venez à mon aide, ô mon Dieu ». L'Ave Maris Stella qui suit fait intervenir le chœur d'enfants de manière spatialisée, le déplaçant en quatre séquences de l'entrée de la nef jusqu'au chœur, en alternance avec la douceur des cuivres anciens. Autre temps fort, le Cantique aux Ephésiens est temps de pureté décantée résonnant de cloches, et s'animant progressivement jusqu'à une magnifique consonance ascendante des chœurs et des cloches. En regard de ces moments de grâce, la manière solennelle  dont la Toccata III (avant-dernière partie) et surtout le Magnificat (dernière partie) se concluent, parait bien démonstrative et extérieure pour une œuvre au ton essentiellement recueilli et méditatif. Si ce final éclatant se comprend au regard de la solennité de la célébration de ce jubilé, il ne tire pas sa force de l'œuvre qui le porte, et paraît dès lors comme une excroissance hypertrophiée plutôt que son aboutissement. L'interprétation de tous les musiciens sous la direction de , d'une concentration à la hauteur de l'événement, n'appelle que des éloges.

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