La discographie d'Oedipus Rex de Stravinsky est déjà riche de versions légendaires, enlevées par des chefs de haut calibre et par des solistes de renom.
Ici, ce ne sont certainement pas les chanteurs choisis pour ce concert d'avril 2013 qui vont nous conduire à revoir nos choix, même si aucun parmi les trois rôles principaux ne démérite véritablement. Ainsi, le heldentenor Stuart Kelton se bat vaillamment avec la tessiture élevée du rôle d'Œdipe, Gidon Saks débite honorablement les quelques phrases allouées à Créon et Jennifer Johnston fait plutôt bonne figure, dramatiquement, en Jocaste. Malheureusement, son instrument court et pauvre en couleurs ne permet pas de faire oublier les Mödl, Norman, Troyanos ou Cortez du passé… En récitante, Fanny Ardant apporte de sa voix âpre, mais qui sait se faire si douce, autant la rudesse impitoyable des forces du destin que la fragilité humaine indissociable de l'esprit tragique.
L'atout indéniable de ce concert enregistré en live réside en la supériorité écrasante du Monterverdi Choir, d'une précision et d'une justesse de ton à couper le souffle. Sous la baguette de Gardiner, le London Symphony Orchestra propose une lecture chambriste d'une partition dont on connaissait jusqu'à présent la violence tragique, et dont on découvre ici la subtilité instrumentale. Ces qualités orchestrales se retrouvent dans l'interprétation propre et lisse du ballet Apollon musagète, plus rarement donné dans nos salles de concert de nos jours, et dont on apprécie la clarté et la limpidité.