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Le retour de l’enlèvement au Sérail à l’Opéra de Paris

Trente ans après, L'enlèvement au sérail revient à Paris dans une nouvelle et séduisante production par .

Pour apprécier à sa juste valeur ce charmant Enlèvement au sérail, peut-être faut-il laisser de côté tout ce que nous croyions savoir sur ce singspiel, et également oublier celui que nous avions vu, dans ces mêmes lieux, en 1977. Ici, pas de stars, mais des interprètes jeunes, quoique ayant déjà fait leurs preuves sur les planches internationales, un orchestre bien loin des sonorités baroquisantes auxquelles nous sommes désormais habitués, et une mise en scène d'une grande fraîcheur. La partition est intégralement respectée, sans coupures, ce qui est plutôt rare. C'est peut-être aussi ça, ne pas trahir Mozart : savoir restituer dans cette œuvre toute la fougue d'un jeune homme qui proposait son premier opéra à Vienne !

La séduisante production de se déguste comme une confiserie. Elle a entre autres le mérite de faire l'unanimité (pas de huées, pour une fois !) et de laisser respirer la musique. Dans de forts jolis décors classiques, testament de Jean-Marc Stehlé, et des costumes seyants d'Arielle Chanty, une foule de figurants et de danseurs (dont de voluptueuses danseuses du ventre) donnent du piment à l'action. Surtout, de tous petits détails quasi-imperceptibles créent une véritable ambiance : des chants de grillon ou des pépiements d'oiseau, un gag récurrent sur la mèche de Pedrillo, la présence muette d'une sorte de fakir, réussissent pleinement à faire vivre le plateau.

La distribution est engagée, scéniquement crédible, et joue fort bien la comédie. est une Konstanze belle et vive, à la ligne souple et au timbre corsé, qui se tire au mieux des difficultés et des longueurs dont sa partition est hérissée. Avec un faux air de Brad Pitt, est séduisant en diable, faisant montre d'une voix solaire et d'aigus solides. Il affronte bravement l'intégralité des airs dévolus à Belmonte, dont le redoutable « Ich baue ganz »ce qui est plutôt rare sur scène. Lars Woldt est une surprise en Osmin. Même s'il atteint les graves abyssaux de son rôle sans efforts visibles, la voix est claire est haut placée, le timbre flatteur, ce qui en fait un personnage jeune et pas si antipathique, là où l'on attend d'habitude creux et noirceur.

On mettra un bémol sur les incarnations de Paul Scheinester et . Elle, très jolie dans ses costumes orientaux, lui, plutôt amusant avec sa silhouette dégingandée digne d'un monsieur Hulot, tous deux partageant une voix confidentielle, régulièrement couverte par l'orchestre.

Selim est parfois le cheval de bataille de certains metteurs en scènes, qui en font le personnage central de l'intrigue. Choix de mise en scène, Jürgen Maurer est ici effacé, ni brute sanguinaire ni amoureux transi.

est un chef vraiment exceptionnel : architecture d'ensemble, cohésion, clarté et coloris des plans sonores, nous renvoient à un âge d'or des interprétations mozartiennes d'avant les redécouvertes baroques.

Crédit photographique : © Agathe Poupeney – Opéra national de Paris

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