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Parcours français avec Piotr Beczała

 

Dans ce nouveau récital d'airs d'opéras français, s'affirme comme un des meilleurs ténors de sa génération. Il s'agit pourtant d'un répertoire où les concurrence est rude…

Serions-nous dans une décennie marquée par le retour en force des ténors ? Finie, semble-t-il, l'époque où les Alagna, Cura, Vargas ou autres Alvarez se disputaient, au moment de la succession des Carreras, Domingo et Pavarotti, la tant convoitée quatrième place. Aujourd'hui nos jeunes quadras ou pas encore tout à fait quadras – Florez, Kaufmann, Callejah, Grigolo… – rivalisent de professionnalisme, de musicalité, et de science vocale. Comment se situe, dans ce prestigieux entourage, le Polonais , attendu à Paris en mars prochain pour une reprise du Faust de la Bastille ?

Il serait sans doute facile de dire qu'il est la synthèse de tout ce qu'on fait de mieux aujourd'hui. Et ce serait sans doute lui faire injustice d'affirmer qu'il n'a pas ses caractéristiques propres. De fait, son timbre aux couleurs de bronze n'a pas le soleil latin d'un Callejah ou d'un Grigol ; de ce point de vue-là, il se situerait plutôt du côté d'un Kaufmann, dont il n'a pas cependant la puissance quasi wagnérienne. S'il n'a pas non plus toute l'agilité et l'aisance dans la vocalise d'un Florez, il n'en est pas moins capable de se tirer avec honneur de redoutable air de Gérald de La Dame blanche, et ses Donizetti sont de la meilleure tenue. On a également entendu des prononciations françaises plus accomplies, et ce serait lui faire un mauvais procès que de lui reprocher de n'être ni Georges Thill, ni Roberto Alagna. S'il n'en a ni la diction ni la lumière vocale, il n'en possède pas moins le style sobre, ferme et contenu. Werther, Don José, Roméo, Des Grieux, Rodrigue, les deux Faust défilent impeccablement tout au long d'un parcours sans faute. Et il faudra attendre longtemps pour entendre, dans le « Salut ! Demeure chaste et pur », un contre-ut aussi franc, aussi direct et aussi juste qui semble, au lieu d'être pris par en bas comme le font les autres ténors, tomber droit du ciel ! Et ce qui distingue Beczała de tous les autres ténors, c'est cette maîtrise absolue de la voix mixte qui lui permet, comme le faisait autrefois un Nicolaï Gedda, de chanter pianissimo les notes les plus élevées de ses airs. L'air de la fleur de Carmen, l'invocation à la nature de La Damnation se voient ici transformés en moments d'anthologie. Et que dire de cet élégant Carlos, sinon qu'il nous fait rêver à de futures incarnations verdiennes. On a encore dans l'oreille son pianissimo final du « Celeste Aïda », donné sous la Tour Eiffel l'été dernier…

Deux autres valeurs ajoutées à ce disque : la Manon tant attendue de pour le duo de Saint-Sulpice, une prise de rôle qu'on attend avec impatience… ; la direction élégante et inspirée d' à la tête de l'Orchestre national de l'Opéra de Lyon. Pour une fois, un récital d'airs d'opéras français est une véritable exploration du monde de l'opéra français, bien plus qu'une simple promenade dans l'univers vocal d'un chanteur de renom. En tout cas, nous attendons de pied ferme pour de futures apparitions dans un répertoire où il a toute sa place.

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