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Le Chant de la Terre au Palais Garnier : endormissements

Après la Symphonie n°3 de Mahler en 2009, donne une création peu inspirée sur Le chant de la Terre, inspiré par des poèmes chinois du VIIIe siècle.

La scénographie voulue par Neumeier s'inspire vaguement d'une esthétique extrême-orientalisante, avec l'utilisation de bols chinois, des jeux sur les couleurs entre lumière et ténèbres, des éléments naturels dans leur simplicité épurée (une sorte de gazon amovible, un astre arrondi aux modifications de carnation lentes et subtiles, un miroir taillé de telle façon que le point de fuite semble être à l'infini et s'ouvrant sur un ciel sombre et apaisant) ; certains costumes appuient également cette idée des maniérismes polis des conventions asiatiques. On trouve là des cols Mao, des vestes à la passementerie chinoise, des pantalons amples, mais qui contrastent singulièrement avec des costumes d'un autre groupe de danseurs dont les lignes sont plus froides, simplifiées dans une sorte de classicisme distant et contrastant encore avec l'aspect brut des jeans et des vestes ouvertes sur le torse nu de danseurs folâtrant négligemment sur le bout de gazon soudain surpeuplé. Enfin, on peut observer l'intelligence des couleurs, où une première partie se pare de couleurs neutres (les vert, beige et brun), à laquelle répond une suite plus brillante (où le carmin se dispute l'ambre brillant). Cette abondance de références nuit finalement à la compréhension de l'ensemble, et suscite quelques interrogations qui ne sont en rien éclairées par la chorégraphies.

En effet, comme à son habitude, Neumeier sait écrire pour les corps des danseurs dans une sorte de chatoiement doucereux qui ne s'abreuve pas de l'exacerbation de sentiments incoercibles et débordants. Il utilise les pointes pour les filles, le langage des sauts pour les garçons, et tente une écriture néo-romantique voulant faire se rencontrer l'effroi du silence (au tout début de la pièce) et l'apaisement d'une harmonie retrouvée (L'Adieu final). Il fait se rouler les garçons par terre, les met en déséquilibre dans un dialogue de personnes qui ne se rencontrent pas.


Toutefois, tout reste posé, un peu sage, même dans les moments les plus extravertis (comme L'Homme ivre au printemps). La joie simple du corps de ballet s'accouple assez mal avec le sérieux des solistes devant se regarder faire du beau. Les tableaux se suivent, gentiment, un peu langoureusement, sans brusquer les émotions tapies au fond des humains qui tentent vainement d'oublier leurs atermoiements affectifs. Neumeier panse et apaise, mais ne va pas au-delà.

, présent de façon constante sur scène, et dont un double est trouvé dans la figure de , est inspiré, sensuel : c'est le répertoire qui lui convient tout à fait. Mais on ne saisit pas au final quels sont les rapports avec son double et son pendant féminin, qui donne toujours une image du décharné, d'un physique désarticulé, noueux et anguleux.

Ces propos décousus et un rien bavards, comme une oeuvre totale qui se chercherait de façon assez maladroite, suivant les inflexions de la mélodie, rendent une transcription hasardeuse de la musique et l'ensemble s'aplatit dans une tiédeur sympathique. Les chanteurs (ténor) et (baryton) sont vaillants dans leurs rôles d'accompagnateurs vocaux, et l'Orchestre de l'Opéra déploie une palette scintillante, rendant de façon plus concernée les questionnements et les errements de la musique de Mahler que ne souhaite le faire la mise en ballet de .

Crédits photographiques : , , Laëtitia Pujol © Ann Ray / Opéra national de Paris

 

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