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Berg à Berlin, triste Wozzeck

Dans le cadre d'un « cycle Berg » comprenant aussi Lulu et des concerts, une reprise du décevant Wozzeck de 2011.

1994 : moins de deux ans après avoir pris ses fonctions dans le principal opéra de la partie orientale de Berlin, frappe un grand coup en présentant Wozzeck dans la mise en scène historique de Patrice Chéreau. 2011 : dix-sept ans plus tard, c'est avec qu'il fait équipe pour une nouvelle production de l'opéra de Berg ; à en juger par la reprise de 2015, on ne peut être surpris que la production n'ait pas bénéficié d'un pareil écho.

Le spectacle d' laisse en effet pour le moins perplexe. Les cinq scènes du premier acte ont lieu dans une sorte de réduit trapézoïdal destiné à évoquer l'isolement ; celles du second acte prennent place sous une sorte de kiosque tournant évoquant les cloisons de l'acte précédent, et le troisième acte se déroule sur une scène vide. Cette progression en apparence implacable, et permise par le livret qui va de la chambre du capitaine au lac où Wozzeck se noie, ne va hélas pas au-delà du dispositif formel, renforcé par une esthétique du noir et blanc d'une redoutable banalité ; le rythme est implacablement cassé par les noirs qui séparent chaque scène, et si on comprend bien qu' veut mettre en avant la cruauté blafarde de ce que montre Berg, elle le fait au détriment de toute humanité. Il est en outre particulièrement gênant de voir le capitaine, à la fin de la première scène, brûler Wozzeck avec son cigare : ce que montrent Büchner et Berg, c'est la dégradation physique et morale du soldat par son environnement social ; y rajouter de la violence physique, c'est une facilité qui va contre la logique même de l'œuvre.

La distribution est globalement plus satisfaisante, au-delà même des vénérables figures de et ; est toujours un des meilleurs interprètes du rôle, mais ce n'est pas le cas de , qui bute tellement sur le texte allemand qu'elle en vient souvent à chanter faux.

Malgré sa grande expérience et son goût évident pour l'œuvre, ne convainc guère à la tête de sa Staatskapelle. On sent chez lui la volonté de « sonner moderne », mais cela se traduit par une étrange propension à mettre en avant de façon plus ou moins arbitraire certaines voix au détriment de l'équilibre orchestral, fortissimo si possible – le résultat est d'une telle agressivité qu'on comprendrait presque les quelques spectateurs qui s'enfuient en cours de représentation. Quand le chef en revient à un peu plus de raison polyphonique, par exemple dans le grand crescendo du dernier interlude, il le fait avec une technique impeccable (Wozzeck est de toute façon de ces œuvres qui motivent suffisamment les orchestres pour éviter les dérapages), mais avec une absence d'investissement émotionnel qui laisse pantois. sait son Wozzeck sur le bout des doigts, mais a-t-il encore quelque chose à y dire ?

Crédits photographiques : © Bernd Uhlig

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