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Le retour du Pré aux Clercs à l’Opéra-Comique

Le Pré aux Clercs, le cinquième plus grand succès de la maison (1 708 représentations de 1832 à 1949) après Carmen, Manon, Mignon et La Dame Blanche, réapparaît, plus de 65 ans après sa disparition de l'affiche, sur la scène où il s'est vu créé.

Ce que l'on sait peu, l'œuvre ayant presque complètement disparu, c'est que Le Pré aux Clercs est une sorte de pendant des Huguenots, créés quatre ans plus tard sur la scène de l'Opéra, à la Salle Le Peletier. Le roman de Prosper Mérimée inspire plus Hérold que Meyerbeer, et à la maison des Favart, on adapte les éléments historiques à son public familial et bourgeois. Ainsi, l'histoire du Pré aux Clercs se déroule une dizaine d'années après la Saint-Barthélemy, le conflit est personnel et se règle par un duel (le Pré était justement un lieu de duel, mais aussi celui de rassemblement des Huguenots) qu'on ne voit jamais sur la scène, et un huguenot, en l'occurrence le Baron de Mergy, accepte qu'on serve du poulet un vendredi !

Sur le plan musical, on est séduit par le talent de « façonneur » de Hérold, avec de beaux souffles italiens – rossinien et bellinien, notamment dans l'air d'Isabelle au deuxième acte – et des parlés rythmés qui rappellent même des vaudevilles. Mais la pièce est surtout peuplée de duos, de trios, et d'ensembles, à quoi s'ajoutent de belles partitions orchestrales. Pour nous qui sommes plutôt habitués à attendre de grands airs exhibant la virtuosité des chanteurs, cela paraît un peu indigeste, mais c'est probablement là qu'il faudra apprendre à ré-estimer l'opéra-comique en tant que genre.

Dans le rôle d'Isabelle, , à la fois légère et chaleureuse, exprime fort bien les tourments de la jeunesse, créant un beau contraste avec la voix de mezzo de en une Marguerite de Valois au caractère privé et bienveillant. Et c'est un régal lorsque celle-ci parle un moment donné avec un accent du sud-ouest, d'autant qu'elle se montre une excellente actrice. Si au début, n'a pas encore réussi à explorer son plein talent, elle est très agréable à entendre par la suite. Pour les voix masculines, surpasse certainement son rôle, sa merveilleuse projection et sa générosité compensent largement quelques petits défauts du parlé. Le personnage inventé pour cet opéra-comique, celui de l'Italien Cantarelli, est tenu avec grand bonheur par  ; si on exige en plus un petit accent italien, ce sera trop demander ? Dommage que la partition soit assez réduite pour , aussi à l'aise dans le chant que dans le parlé. Pour , malgré son rôle du méchant, son jeu révèle quelque chose de comique, et sa voix claire de ténor renforce ce sentiment ; cette caractérisation est-elle voulue ?

Le chœur , dirigé par , brille de plus en plus dans des opéras français avec la clarté vocale et de diction ; l'orchestre Gulbenkian, basé à Lisbonne, et , son conseiller artistique, n'ont pas (encore) la finesse nécessaire pour chaque détail, d'où quelques décalages de temps à autre, mais mène à bien le plateau avec une vue large sur l'ensemble. La mise en scène, les décors et les costumes sont conventionnels, sans que cela ne déplaise. Seulement, nous aurions voulu voir trois lieux distincts pour les trois actes, les environs de Paris pour l'acte I, la salle du Louvre pour l'acte II et le Pré aux Clercs pour le dernier, au lieu d'arbres constamment présents avec quelques changements de dispositifs…

Crédits photographiques  Photo 1 © Pierre Grosbois; Photo 2 : de gauche à droite : (Marguerite de Valois) – (Isabelle Montal) © Vincent Pontet

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