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Une Clémence de Titus sur le divan

A l'Opéra Comédie de Montpellier, et son scénographe Ascon de Nijs ont imaginé une Clémence de Titus à l'opposé des poncifs antiquisants et classiques.

On se borne, malgré la lecture des notes d'intention, à relever une belle prolifération de pistes sans pour autant trouver d'explication satisfaisante. Il faut y voir l'influence (revendiquée) de et , avec lesquels a travaillé.

Un unique décor stylisé de cubes et de parois métalliques sert tour à tour de Forum impérial, d'alcove privée ou de Capitole. Seules les lumières de Floriaan Ganzevoort permettent d'isoler tel ou tel personnage dans un espace défini. On repère des tonalités très affirmées, qui sont autant de signatures et d'hommages aux metteurs en scènes précédemment cités : alternance de contrejours et fonds de scène rouges et verts… et personnages principaux habillés d'improbables costumes en couleurs primaires.

Côté direction d'acteurs, la surprise est également de mise. Jamais par exemple, l'homosexualité de Titus et Sesto n'aura été montrée avec autant de clichés. La vérité historique, si souvent passée sous silence, s'affiche ici à grands effets de corps tatoués et suintant dans des salles de musculation. Rien de très léger non plus sous les cuissardes dominatrices de Vitellia ou dans la mèche peroxydée et le bermuda jaune poussin de Sesto. C'est d'ailleurs autour de ce personnage tour à tour ami, amant, traître et repenti, que se focalise le travail de . On hésite en effet à le percevoir exclusivement falot et victime de l'enchaînement d'événements. L'œuvre ne se limite pas au seul geste d'une clémence « politique ». Il faut également considérer la portée intime du pardon qu'adresse Sesto à Vitellia au moment où il vient d'apprendre qu'elle se jouait de lui pour accéder au pouvoir.

Ce personnage est associé à une figure de l'enfance, symbolisée par cet étrange personnage mi-adolescent mi-autiste, arborant des oreilles de lapin… victime attendrissante et pantin dérisoire. Sans doute fallait-il ne pas aller trop loin avec cette histoire de lapin ; on se serait bien passé par exemple de ces baudruches noires en guise de jouets calcinés tombant du plafond incendié du Palais de Titus… ou de ce chœur final à faire pâlir de honte les pires bizutages estudiantins.

Le plateau réunit de jeunes chanteurs déjà entendus sous d'autres latitudes, dont la pétillante qui tire brillamment son épingle du jeu dans le rôle d'Annio. Face à elle, fait oublier la modestie des interventions de Servilia par la bonne tenue de sa ligne vocale. (Vitellia) vitupère quelques aigus aléatoires à la fin de son Deh si piacer mais conserve une couleur et une émission très homogènes. Le choix d'un haute-contre pour chanter Sesto demeure une affaire de goût… Ni , l'an dernier à Nancy, ni aujourd'hui , n'auront pu atteindre à la maîtrise parfaite d'une Stéphanie d'Oustrac ou d'une Sarah Connolly. Le Parto, parto sert une fois de plus de juge de paix à qui voudra éprouver les capacités du jeune américano-coréen à calibrer le haut du registre aussi bien que le bas médium. Le ténor , déjà présent cet hiver à Montpellier dans Idomeneo, livre un Titus sans fioritures et sans goût du risque (ah, ces redoutables montées dans Se all'impero…). La battue roborative de libère un flux incisif bienvenu, idéal pour secouer les embarrassantes images scéniques et redonner du brio et une énergie à une musique qui en génère autant qu'elle en consomme…

Crédits photographiques : © Marc Ginot

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