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Le Dardanus de Michel Fau, façon comédie lyrique

et son reviennent à Versailles avec Dardanus mis en scène par .

La complexité de Dardanus vient essentiellement de cet impossible amalgame entre une modernité d'écriture et des codes en partie liés à la tragédie classique. On n'y trouve ni les excès des pièces à machines, ni les conventions des opéras-ballets… et pourtant la danse y joue un rôle important, si bien que les reprises finissent par « mordre » sur l'action. Sans chercher dans la méticulosité de la reconstitution historique, l'option retenue par use d'une débauche délibérée d'images singulières que l'on dira inspirées d'une certaine tradition baroque – ou, du moins, la vision que l'on peut en avoir.

Des décors et costumes d'Emmanuel Charles et de David Belugou font miroiter un joyeux fatras de perruques poudrées et robes à paniers dans un curieux assemblage de bleu cobalt, vert pomme et très psychédélique fuchsia. Ces choristes qui commentent l'action en s'agitant, c'est un peu d'un humour à la Woody Allen qui s'invite sous les lustres vénérables… Il est difficile de saisir les arrière-plans psychologiques d'un univers tragique dont le sérieux se dérobe par la mise en valeur permanente de l'invraisemblance des situations. Il n'est pas jusqu'au « monstre affreux », avec cornes de corail et queue de dragon, ou bien le duo final dans un temple à la Pierre et Gilles, qui ne tirent des larmes de rire. Hormis un interminable ballet des Songes et l'absence (parfois regrettable) de coupures dans les digressions musicales, les temps morts sont très peu nombreux – et ce, malgré la durée généreuse de l'ouvrage.

L' apporte à la musique de Rameau un écrin idéal qui fait tenir en équilibre la fluidité de la pulsation et des couleurs étonnamment vives et mesurées. privilégie un efficace et très allant discours narratif qui porte à bout de bras un plateau de haute volée. prouve une fois de plus son exceptionnel atavisme avec un répertoire qui le lui rend si bien. Son Iphise possède une assise large et naturellement tragédienne, propre à exprimer une hauteur d'âme que la couleur mezzo vient colorer de belle manière. Le timbre très incarné du Dardanus de projette une troublante épaisseur psychologique dans un personnage d'ordinaire voué aux conventions du genre héroïque classique. Très à l'aise tant vocalement que scéniquement, l'Anténor de fait mentir d'un bout à l'autre des registres, le profil de médaille et les embarrassants drapés amidonnés. Le Teucer et Isménor de Nahuel di Pierro est remarquable de projection et de couleur, sans rien des scories charbonneuses qu'on entend souvent dans ces deux rôles. Seule ombre au tableau, la Vénus de laisse dans les graves des notes qu'on aurait voulues plus présentes.

Crédits photographiques : © Bertrand Pichene; Dardanus à l'Opéra royal de Versailles © Frédéric Desmesure

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