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Julie Fuchs chante l’opérette française

Il y a certains artistes qui rayonnent sur scène de façon irrésistible. La carrière de , de l'opéra baroque au répertoire contemporain, a déjà montré qu'elle était de ceux-là. D'où la relative déception causée par cet album pimpant, mais dans lequel on cherche un peu sa personnalité.

Voici consacrée par le disque, ou plutôt la revoici, puisqu'elle avait enregistré un premier album en soliste, remarqué par Resmusica. Elle offre ici un panorama de la scène légère dans la France des années vingt et trente. Car, malgré un titre anglais qui paraît viser le marché international (il s'agit en fait du titre d'une opérette de Willemetz et Yvain), c'est un répertoire on ne peut plus français qui est exploré : l'opérette, la comédie musicale et l'opéra-comique. Même les extraits d'œuvres étrangères (de , Rimsky-Korsakov et Lehár) sont donnés dans la version française de l'époque.

fait de son mieux pour amuser, émouvoir, incarner chaque personnage et rendre sa situation. Intention louable, mais d'un succès limité. En effet, dans des extraits aussi courts (aucun ne dépasse cinq minutes et demie), elle ne peut guère proposer que sa voix, charmante mais de couleur assez uniforme, et une gaieté elle aussi un peu univoque. Une suite de photomatons rigolos quand on aurait voulu un beau portrait…

Le mélomane, sans se montrer dédaigneux envers la muse légère (et sa difficulté pour les interprètes), ne trouvera pas non plus beaucoup de matière musicale dans ce programme. La seule véritable rareté, un air de , auteur de chansons fameuses (« Félicie aussi », « Paris sera toujours Paris ») avant de mourir en déportation, est une grivoiserie plutôt banale pour l'époque. Il y a bien les airs de Poulenc (les Mamelles de Tirésias) et Ravel (l'air du Feu dans l'Enfant et les sortilèges), mais ils ne devraient pas être sortis de leur contexte. Mais enfin, cela ne gâche pas tout le plaisir. Et il y a en a déjà beaucoup à prendre.

Le plaisir, c'est d'abord celui d'entendre ce répertoire très bien chanté. Peut-être pourrait-on souhaiter un peu plus d'appui pour l'air de Missia Palmieri et pour les vocalises du Coq d'or. Mais Julie Fuchs a toujours la franchise qui rendait exquise sa Ciboulette. Et cela fait une différence de taille avec ce qu'on a l'habitude d'entendre dans l'opérette : il n'y a pas, même quand le texte est égrillard, l'ombre d'une vulgarité. Aspasie (dans Phi-Phi) a un charmant caquet. Polly, dans l'Opéra de quat' sous, est une jeune femme mutine, pas une fille de cabaret. L'accompagnement de l' est, comme l'exige le genre du récital, discret et efficace, et les comparses sont très bien (mais qui est donc la troisième chanteuse du délicieux trio d'Ô mon bel inconnu ?). La langue française, c'est le second plaisir. Julie Fuchs prononce superbement bien, même dans l'aigu.

Un récital sympathique, sensuel et pétillant, en attendant une occasion de découvrir plus complètement ce jeune talent déjà joliment épanoui.

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