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Metz, Roméo et Juliette s’invitent chez Tim Burton

Une distribution moyenne et une mise en scène inspirée du cinéma sont-elles suffisantes pour renouveler notre approche du chef d'œuvre de Gounod ? et l'Orchestre national de Lorraine, en tout cas, illuminent une partition aux mille beautés.

Située dans un décor marqué par la quasi omniprésence d'un grand escalier en colimaçon traversant le plafond, symbole de la liberté à laquelle aspire une Juliette opprimée par le poids des injonctions familiales, la mise en scène de Paul-Émile Fourny vise à l'intemporalité et l'universalité inspirées des films du réalisateur Tim Burton. Riche en symboles à la signification obscure ou trop évidente – les massacres de cerfs que l'on retrouve du premier au dernier acte… –, elle signale l'univers onirique et fantasmagorique dans lequel évoluent les deux amants en quête d'absolu, tous deux résolument en marge du milieu familial dont ils sont issus. Un plafond amovible, littéralement écrasant dans la scène du tombeau, suggère le climat qui plane sur les deux familles rivales. Ces deux dernières se distinguent habilement non seulement par leur gestuelle mais également par leurs costumes, un camaïeu de gris et de bleu pâle pour les Capulets, des coloris rouges-orangés pour des Montaigu décidément plus terriens. La mort est omniprésente dans cet univers glacial même si, signe d'espoir, les deux héros meurent debout, enlacés dans une fusion totale. La beauté des éclairages contribue tout au long du spectacle, notamment avec la trouée dans la chape que constitue le plafond, au message d'espoir qui vient atténuer quelque peu la dimension tragique du destin des deux amants.

La mise en scène privilégie tout particulièrement la direction d'acteurs, même si dans ce domaine certains interprètes sont plus gauches que d'autres. est ainsi peu convaincant dans un rôle de jeune premier. Par ailleurs, en dépit d'aigus toujours aussi rayonnants, mais uniformément émis fortissimo, il contrôle mal son vibrato dans le médium, et la justesse s'en ressent quelquefois. On louera cependant une très belle diction, qui fait de lui un Roméo finalement attachant. Sa partenaire est plus à l'aise scéniquement, et l'évolution psychologique de Juliette, fillette juvénile promise à un destin tragique, est bien rendue. Vocalement sans éclat particulier, et à l'extrême aigu parfois difficile au premier acte, sa belle diction finit par emporter l'adhésion. Le reste de la distribution, plus satisfaisant scéniquement que sur le plan vocal, reste honorable. Marc Vanaud compense l'usure de ses moyens par un solide métier, déçoit en Stephano et est un Frère Laurent quelque peu chevrotant ; si est un acteur investi, son air de la reine Mab passe presque inaperçu. Les rôles secondaires sont dans l'ensemble bien tenus, avec notamment une belle Gertrude, moins caricaturale que d'habitude.

Une fois encore, on se félicitera de la réunion des chœurs de Metz et de Nancy, particulièrement efficaces dans le superbe prologue ou dans le grand finale du troisième acte. Dans la fosse, et l'Orchestre national de Lorraine, grands habitués du répertoire français de la deuxième moitié du XIXe siècle, illuminent ce qui pour beaucoup restera le plus bel opéra de , et tissent des liens avec les grands orchestrateurs français à venir. C'est résolument à la fosse que l'on doit les plus belles satisfactions de la soirée.

Crédit photographique : et (photo n°1) ; Chœur de l'Opéra-Théâtre de Metz-Métropole et (photo 2) © Arnaud Hussenot – Metz Métropole

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