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Festival de Ribeauvillé : réconciliation Haendel-Scarlatti

Depuis 32 ans, le festival de Ribeauvillé s'impose comme une valeur sûre pour les amateurs de musique ancienne. Étalé sur plusieurs week-ends de septembre-octobre, il propose des programmes allant du Moyen Âge au XVIIIe siècle, avec parfois des détours hors d'Europe.

Le concert de ce dimanche prend sa source, d'après le programme, dans un manuscrit de la Bibliothèque nationale de France contenant des Sinfonie inédites de . À l'écoute de l'unique sinfonia choisie, très courte, un peu échevelée, aux voix bizarrement enchevêtrées, et dans laquelle on a le plus grand mal à retrouver le maître napolitain, on peut trouver heureux qu'il ne s'agisse que d'un point de départ.

Beaucoup plus convaincant est le concerto à sept voix de l'Anglais , d'après les Livres de leçon pour le clavecin de , joué en ouverture. Les musiciens du Caravansérail sont particulièrement à l'aise dans une forme qui, sans en avoir le formalisme strict, découle du concerto grosso corellien. De manière assez libre et très convaincante, de courts soli (avec un tropisme au dialogue premier violon-violoncelle) répondent à des tutti où, moyennant une interprétation inspirée comme celle de ce jour, la partition ne présente pas davantage de faiblesses que celles des plus illustres contemporains, et se révèle par moments très prenante, par exemple dans le “Largo” initial. Disposés en arc de cercle autour de leur chef-claveciniste, les onze instrumentistes à cordes développent un son généreux, parfois légèrement rugueux, au service d'un jeu empreint d'une belle énergie et d'une grande musicalité.

Puis retour à l'original avec quatre sonates pour clavecin seul de Scarlatti, dans lesquelles on peut reconnaître en partie l'inspiration d'Avison, mais où surtout on apprécie variété et finesse d'écriture. D'un jeu sobre et précis, les met bien en évidence : recherches mélodiques complexes à partir d'un motif de base dans l'Adagio e cantabile K 208, recherches harmoniques avec passages modaux et modulations hardies, le tout sur un rythème martelé, dans l'Allegrissimo K 450, aspect “planant” avec hésitation entre majeur et mineur dans la longue sonate K 144, et variations sur un thème simple dans la courte et très virtuose K 61. Un très bon moment du concert, dû aussi en partie, d'après le claveciniste lui-même, à la qualité de l'instrument mis à sa disposition.

Opposés lors d'une joute au clavecin en 1709, puis par , grand défenseur de l'Italien et contempteur de l'Allemand de naissance, Scarlatti et Haendel sont réconciliés par , qui entoure ces sonates intimistes de deux concerti grossi pour cordes de Haendel. Comme chez Avison, le concertino est à géométrie variable, en particulier dans le premier concerto. Hormis dans le menuet du second, un peu lourd et martial, trouve là aussi la bonne balance tonicité-musicalité pour rendre tout l'allant et toute la beauté de ces partitions, et pour faire paraître au public ravi le concert presque trop court.

Crédits photographiques : © Jean-Baptiste Millot

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