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Herculanum renaît de ses cendres avec Hervé Niquet

Des résurrections du Palazetto Bru Zane, la musique de est très certainement la meilleure pioche. Confirmation avec cet Herculanum de 1859.

L'évidence : dès que l'on découvre une œuvre de , on a aussitôt envie de recommencer. Ainsi l'on a écouté en boucle le magnifique enregistrement du Désert par Laurence Equilbey paru au printemps dernier. La même addiction se produit pour cet Herculanum, même s'il nous faut préciser en préambule que les vastes proportions de ce grand opéra en 4 actes de plus de 2 heures n'éblouissent pas aussi vite que les 50 minutes de l'ode-symphonie qui fut l'œuvre la plus célèbre de son auteur.

Une fois passée une introduction où véhémence du tutti et délicate mélancolie des harpes semblent annoncer le meilleur, l'on reste un temps partagé par des numéros où le langage de David semble insuffisamment développé (on rêve au vaste ensemble qu'aurait pu engendrer le magnifique Credo du III ; l'éruption tant attendue du Vésuve est expédiée en quelques mesures), voire insuffisamment personnel dans son traitement des scènes à faire du grand opéra à la française : chanson à boire, scène maléfique, marche pompière, masse chorale… Quand on songe à ce que Berlioz, qui venait de finir ses géniaux Troyens (qu'il ne verra jamais) lorsqu'il assista à la création d'Herculanum, pouvait faire des mêmes passages obligés à Auerbach comme à Carthage ! Mais, revenant à Herculanum, on y découvre, comme sur une fresque antique peu à peu lisible, la prégnante délicatesse musicale spécifique d'un auteur faux naïf, vrai sincère, plus proche de Gluck que de Gounod. Et l'on ne peut plus s'en passer…

Bien que son prosélytisme chrétien semble quelque peu en désaccord avec les théories libertaires du mouvement saint-simonien dont David fut un fervent adepte, le livret est habile, jamais entravé par les trouvailles poétiques de sa prose versifiée (« cette Terre est le ciel » ou, mieux : « quelle nuit que ce jour ! »). La Reine Olympia, son peuple et son frère Nicanor annoncent les « chers Tyriens » des Troyens (qui verront le jour en 1957 !), Hélios et Lilia semblent échappés des Martyrs de Donizetti (qui l'ont vu en 1840). L'éruption du Vésuve vient sanctionner le débat religieux comme le joyeux paganisme pompéien en engloutissant sans distinction païens et chrétiens…

Éruption de talents pour une distribution de première classe : , vocaliste tranquille de timbre impérial en Olympia, , Hélios impressionnant mais presque trop verdien, aussi solennel que les cuivres qui introduisent Magnus. Mais surtout le Nicanor/Satan de  (grand Mephistopheles dans la Damnation de Faust) qui peut laisser libre cours à la noirceur glaçante de son timbre méphistophélique. Et plus encore dont la noble Lilia ressuscite le timbre fruité de Régine Crespin. La prononciation de tous est exemplaire. La flamme d', idiomatique dans ce répertoire, soulève et , engloutissant tout ce beau monde sous le torrent de lave des dernières mesures, où percent les dernières secondes d'effroi de Lohengrin.

Le tout est serti dans le luxe d'un véritable bréviaire de textes très éclairants qui parachèvent la résurrection. Herculanum a révélé ses charmes et l'on est déjà impatient de découvrir au disque Christophe Colomb (donné et enregistré à Versailles l'an passé), Moïse au Sinaï, le Saphir, ces autres bijoux davidiens…

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