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A la Scala, des Noces de Figaro très rock’n’roll

Quand Mozart est donné comme on aime l'entendre, cela provoque des émotions profondes, que peu d'autres compositeurs parviennent à nous faire percevoir de la même manière. C'est le cas dans la toute nouvelle production des Noces de Figaro du Teatro alla Scala, dirigée par un parfait . Tout le pouvoir évocateur de la musique du compositeur est là, dans une nouvelle mise en scène plaisante, interprétée par un plateau vocal de grande qualité.

C'est au jeune metteur en scène britannique Frederic Wake-Walker que revient la lourde (mais prestigieuse) tâche d'innover pour cette nouvelle production de la Scala. C'est une belle responsabilité que d'essayer de convaincre un public milanais sortant de huit reprises incarnées par le binôme Strehler-Muti de 1981 à 2012. Wake-Walker s'en sort plutôt bien. La mise en scène n'est pas sans reproches, mais dans l'ensemble elle permet au récit de s'écouler harmonieusement jusqu'au bout. Mises à part quelques erreurs de style, Wake-Walker parvient à interpréter les Noces en cohérence avec les attentes contemporaines, sans heurter outre mesure la sensibilité des inconditionnels de la tradition. Sa mise en scène se développe dans un crescendo scénique qui mène aux noces tant espérées. Les personnages y communiquent entre eux, souffrent, se réconfortent et se réjouissent. La joie est à son comble au moment des noces à la fin du troisième acte, où tous les invités se laissent aller et osent même quelques pas de disco en perruque poudrée et vertugadin. Devons-nous voir là un clin d'œil au Marie-Antoinette de Sofia Coppola ou bien une allusion musicale à Mozart, l'opéra rock ? De même le vieux souffleur qui, du coin de la scène, intervient dans les moments d'amnésie présumée du Comte amuse et attendrit.

Pourtant, la curieuse structure scénique qui pivote sur elle-même laisse perplexe. Ni belle, ni originale, elle écrase les personnages et semble entraver les mouvements des chanteurs aux 1er et 3e actes. Heureusement, on respire un peu au 2e, dans une chambre de la Comtesse colorée et aérée sur fond de jardin à la française. On pourra également s'interroger sur la présence des curieuses assistantes du Comte qui, toutes étriquées dans leur tailleur noir et coiffées d'un chignon digne de Padmé Skywalker, montent les plateaux et peignent les scènes à rideau ouvert, directement sous les yeux des spectateurs. On se demandera aussi s'il était nécessaire de faire tomber le rideau sur des acteurs en sous-vêtements… Quoi qu'il en soit la musique de Mozart emporte tout sur son passage, même la médiocrité.

Le casting vocal, en revanche, affiche une homogénéité quasi totale. Tous à l'aise sur scène et parfaitement inspirés, les interprètes s'emparent de la mise en scène avec une gestuelle agréable et décontractée. Appréciation sans condition pour le comte de , dont les tonalités profondes réchauffent la frugalité que lui donne le livret. Un charme indéfinissable flotte entre les airs de Susanne et de la Comtesse, même si l'on pourrait reprocher à de manquer un peu d'émotion « à l'italienne » dans ses phrasés ; la soprano était peut-être plus à son aise sur cette même scène dans le rôle de Susanna. L'étonnante – Susanna – interprète son personnage avec toute la malice nécessaire. Petit bémol pour en Figaro qui, tout en projetant bien sa voix, manque quelque peu de ferveur dans son très attendu « Non più andrai farfallone amoroso », tout comme dans « Aprite quegli occhi ». On ne peut dire que du bien de , qui parvient admirablement à faire ressortir toute la richesse poétique de son Chérubin, notamment dans le « Voi che sapete ».

Pour sa première fois dans une nouvelle grande production de la Scala, le chef entraîne l'orchestre avec beaucoup d'ardeur et de détermination, tout en accompagnant avec sensibilité les chanteurs avec qui il offre des moments de pure émotion.

Crédit photographique : © Teatro alla Scala

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