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Le piano français mobilisé au temps de la Grande Guerre

La Grande Guerre de 1914-1918 a happé une multitude de destins dans l'élan de défense contre l'envahisseur. De nombreux interprètes et compositeurs ont apporté leur participation à l'effort national, comme l'avait évoqué une belle exposition au Musée de la Grande Guerre.

Au sein de la collection « Les Musiciens et la Grande Guerre », le 23e volume propose un enregistrement fort précieux dû au pianiste . Né en 1979, son parcours débute à Tourcoing, se poursuit à Paris et à Lyon avant de revenir là où il avait commencé, au Conservatoire de Tourcoing, mais cette fois comme enseignant, depuis 2007. Son jeu franc et équilibré se met entièrement au service de l'esprit du temps, et ressuscite huit œuvres dévolues au piano seul, toutes composées autour de cette période douloureuse pendant laquelle la création musicale ne faiblit nullement. Plusieurs des compositeurs retenus ont fait partie du personnel de santé au front ou à l'arrière comme ambulanciers, brancardiers, infirmiers.

Étonnamment, les œuvres enregistrées par ne portent pas la trace patente de la guerre elle-même, mais on trouve davantage, ici une gravité impressionnante, là un refuge élégiaque indispensable et salvateur, et partout un besoin impérieux d'échapper à l'atmosphère insupportable et incompréhensible d'une interminable tuerie. , blessé au front, réveille le climat du XVIIIe siècle dans ses Variations sur un choral (1915) ; se réfugie dans l'art de la fugue, et évoque les Naïades. Ces musiques, parfaitement défendues par , s'avèrent peu ou pas novatrices au plan stylistique, manière probable de ne pas ajouter l'inconnu et l'aventure à la démence des hommes.

De son côté, trouve un havre de réconfort dans les rythmes de marches anciennes (Le vent dans les ruines). Tous évitent de franchir les limites de la tonalité comme le montre la Sonatine de Charles Kœchlin. Néanmoins, on décèle dans plusieurs partitions des passages où dominent les dissonances et une tension palpable (Roussel dans Doute, Huré dans la Deuxième sonate). Il n'est pas rare de faire appel au folklore français, voire à des mélodies populaires ou encore, comme dans les Variations sur un choral de Ducasse, au renfort de cloches et de carillons.

Reflets de grande valeur d'une période cruciale de l'histoire de France, toutes ces pièces contribuent à la documenter et à en entretenir la mémoire.

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