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Parsifal à Zurich, Kundry et Gurnemanz

Une mise en scène trop clinquante laisse toute sa place à la musique – et avant tout.

Inscrire Parsifal dans le temps long de l'histoire allemande, en voilà une idée féconde. Stefan Herheim l'avait fait à Bayreuth en 2008, avec son goût coutumier pour la multiplication de détails signifiants ; ne s'en est pas privé pour cette production, créée à Barcelone puis à Zurich en 2011 et reprise ici pour quatre représentations. Guth, lui aussi, est un amateur chevronné de concepts solides, développés avec soin tout au long d'une soirée. Au premier acte, nous voici donc dans un hôpital militaire de la Première Guerre mondiale, au cœur de l'humanité souffrante, avec chevaliers du Graal et écuyers en guise de personnel médical et de patients. Le prélude nous apprend que Klingsor est le frère d'Amfortas révolté contre l'autorité paternelle : pourquoi pas (spoiler : ils se réconcilieront à la fin de l'opéra, sans que cette histoire ait été vraiment exploitée le reste du temps). Il y a des moments touchants, sans aucun doute – quand, par exemple, juste avant de se faire chasser par Gurnemanz, Parsifal se recueille sur deux plumes tombées du défunt cygne.

L'acte II situe les Filles-fleurs dans une maison close très Années folles, et très cliché. Le décor élégamment décati de tourne, tourne encore, tourne toujours, mais la redoutable platitude de cette assimilation pèse sur tout l'acte. Au troisième acte, le décor tourne toujours, et voilà Parsifal en officier nazi adulé par la foule des bourgeois en haut-de-forme. Un parcours historique ne fait pas une interprétation, et de belles images ne font pas du théâtre.

Heureusement, la réalisation musicale fait oublier cet ensablement progressif. Le grand atout de la soirée est sans aucun doute  : une voix d'airain qui ne se laisse pas vaincre par la fatigue, mais surtout un diseur exemplaire, à l'intelligibilité constance, et par surcroît capable de varier le discours au grand profit de l'expressivité et de l'émotion. , elle, reste ce soir prudente, et on sent en effet une fragilité sous-jacente, mais quelles richesses une telle artiste offre-t-elle au public, même en ces circonstances ! Dommage qu'elle n'ait pas eu en un partenaire à sa hauteur – un Klingsor qui lutte à ce point avec l'allemand prive le second acte d'une partie de son effet, d'autant que Guth ne s'est guère intéressé à son personnage. , appelé il y a quelques semaines pour remplacer Brandon Jovanovich, est un solide Parsifal, qui tient le rôle de bout en bout ; on aimerait toujours un peu plus d'expressivité, de légèreté ici, de douleur là, mais l'essentiel est préservé.

La bonne surprise de la soirée tient dans la direction de  : le son de l'orchestre n'est certes pas le plus avenant, et la montée de tension de la fin du second acte n'est pas assez construite pour emporter tout à fait l'auditeur ; du moins cette direction garde-t-elle une cohérence qui donne un rythme à la soirée, et elle fait preuve d'une grande attention aux besoins des chanteurs. Sans jamais précipiter le tempo ni le ralentir à l'excès, elle parvient à créer dans la soirée tout autant le drame que de beaux moments de recueillement, et elle est pour beaucoup dans les émotions multiples qui, grâce aux chanteurs, emportent le spectateur plus sûrement que les maniérismes de .

Crédit photographique : © Danielle Liniger

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