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Un Elle et Lui enjoué par la compagnie operAct

En proposant trois petits bijoux lyriques en un acte rarement montés, la directrice du Casino-Théâtre de Rolle, lointaine cheffe du Service Communication du Grand Théâtre de Genève à l'ère Renée Auphan, aurait mérité de faire le plein de spectateurs.

Une trilogie conjugale dans l'univers enveloppant de la télévision, du téléphone et d'internet (très intelligemment transposé dans les années cinquante à partir d'œuvres composées entre 1909 et 1947), voilà ce que signe la troupe de sous la direction du metteur en scène . S'appuyant sur Le Téléphone de , Hin und zurück de et de Il Segreto di Susanna de trois opéras en un acte, le metteur en scène suisse explore avec humour certains aspects de la vie conjugale. Sous le sceau de l'envahissement, de l'incommunicabilité et des malentendus d'un couple moderne, la jalousie mal placée de l'homme sous-tend les trois intrigues.

Un train scénique réduit à trois écrans sur lesquels sont projetées les images d'ambiances du moment théâtral (des fleurettes stylisées lorsque Elle reçoit un appel téléphonique de son amant, une danse de briquets allumés pour suggérer le secret « cigarettier » de Susanna), quelques coussins, un tapis, un fauteuil-boule transparent. Dans le fond de scène trône un piano droit, unique instrument de musique (hormis quelques discrètes incursions préenregistrées) de cette production.

Ce qui frappe dans cette création, c'est la précision avec laquelle les protagonistes investissent la scène. Elle (la soprano ) et Lui (le baryton ) secondés par le pianiste () à tout faire (tantôt majordome, tantôt femme de ménage et tantôt encore tante de Madame), nous emmènent dans un délire loufoque parfaitement minuté. Les scènes se succèdent avec énergie et à propos théâtral sans le moindre accroc. Certes, à l'opéra, les rythmes musicaux et les contraintes de chant limitent la débauche gestuelle que de tels vaudevilles revendiquent dans le théâtre parlé. Mais, grâce à sa direction d'acteurs, en utilisant pertinemment les très bonnes aptitudes de ses protagonistes, conserve à son spectacle toute la légèreté et le pétillant des livrets.


Musicalement, un petit orchestre aurait certainement étoffé ces trois opéras, mais la prestation pianistique de (parfois remplacé par lorsqu'il doit être acteur des intrigues) est remarquable de densité, et piquante d'humour. Vocalement, l'aisance du baryton n'a d'équivalente que sa parfaite diction. Peut-être ne lui était-il pas nécessaire de chanter en force, au vu des dimensions du théâtre de Rolle. Cela aurait permis à la soprano , formidable comédienne aussi, de modérer son propre volume de chant pour en favoriser la diction, la langue française s'avérant toujours difficile à maîtriser dans le registre aigu des voix de soprano.

En félicitant l'initiative du Casino-Théâtre de Rolle de présenter ces œuvres rares (et tant pis pour les amateurs de lyrique qui ont manqué le coche !), l'espoir demeure que l'absence d'un public nombreux à cette production ne découragera pas la direction de poursuivre dans cette voie culturelle importante.

Crédit photographique : © Christophe Delliere

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