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Bollywood à Limoges avec les Pêcheurs de perles

L'Opéra de Limoges poursuit sa redécouverte d'opéras peu connus du grand public avec Les Pêcheurs de perles de Bizet servis par une distribution exclusivement francophone et de très haute tenue.

Ne nous mentons pas, le livret des Pêcheurs de perles est un sommet de mièvrerie où les personnages ne sont pas mêmes ébauchés. Le spectateur aura les plus grandes peines du monde à s'intéresser aux amours de Nadir et Leïla, contrariés par le poids de la religion et du pouvoir. a manifestement choisi de ne pas trop s'attarder sur cette histoire à dormir debout et de la traiter à l'image des grandes sagas bollywoodiennes : un flot de couleurs portées par des costumes chatoyants, des mouvements de foules, des danses langoureuses et de belles lumières safranées enveloppent le drame d'un packaging séduisant et accessible. Sa proposition est simple et efficace, recyclant des éléments du langage théâtral baroque, stylisé jusqu'à l'abstraction avec notamment ces vagues qui évoluent sur le plateau, révélant ou au contraire faisant disparaître les personnages. C'est du premier degré, et pour tout dire assez primaire, mais l'orientalisme au XIXe siècle est davantage l'évocation d'une atmosphère que le récit d'une histoire dont finalement tout le monde se moque. Il faut dire que la musique de Bizet comporte quant à elle des pages d'une splendeur mélodique exceptionnelle qui soulève et transporte dans de lointaines contrées.

La force de cette représentation d'un opéra français est d'avoir misé sur une distribution jeune et surtout exclusivement francophone. Cette option doit être saluée et défendue car la France regorge de jeunes chanteurs talentueux pas toujours suffisamment valorisés. Commençons par le somptueux Nadir de . Sa voix de ténor, jeune et claire, a tout pour triompher du rôle. C'est pourtant à notre sens un Nadir singulier, plus viril qu'à l'accoutumée, conduisant admirablement sa ligne de chant et imposant de rares couleurs à la sublime romance de l'acte I, moins doucereuse que lorsqu'elle est interprétée par un ténorino classique. Finalement plus lyrique, bénéficie en outre d'une belle présence et d'une vaillance qui lui permettent de ne jamais rendre le personnage trop mièvre. Face à lui, reprend avec un grand succès le rôle de Zurga. Héritier de la grande école du chant français qu'il a perfectionné à l'atelier lyrique de l'Opéra de Paris, le jeune baryton soigne les mots et la prosodie, et la voix de son personnage évolue au fil de la soirée grâce à de belles couleurs et des nuances qui le rendent crédible dans tous les registres. Son acte III est à ce titre une grande réussite pour sa véhémence pathétique, déployée à pleine voix, sans filtre, sans fard. Une simplicité d'approche qui fait de lui un artiste à suivre.

La Leïla d', dont c'est une prise de rôle, est d'une grande fraîcheur. Sa voix pulpeuse et son timbre fruité s'épanouissent dans de très beaux aigus et dans de frêles piani, émouvants car sur le fil. La voix semble toutefois plus à l'aise dans la confrontation avec Zurga au III. Peut-être moins précautionneuse, elle se libère de la technique et trouve l'expressivité juste. Une belle prestation. complète avantageusement cette belle distribution avec sa voix de basse profonde et sa diction impeccable qui donnent beaucoup de présence et d'autorité au personnage de Nourabad.

Le chœur est un acteur prépondérant dans cette œuvre qui le sollicite à tous les actes et durant de longue pages. Après un début un peu flou (c'était la première), le Chœur de l'Opéra de Limoges trouve ses marques, très précis dans les morceaux vindicatifs et haineux, il impressionne par son expressivité.

À la tête de l'Orchestre, le directeur musical de l'opéra de Limoges, , défend avec beaucoup d'élégance et de clarté cette musique orientaliste, ménageant de beaux élans avec le chœur, entrecoupés de passages lyriques où il se montre particulièrement attentif aux transparences et à la limpidité du son.

Crédits photographiques : © Eric Bloch

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