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Montpellier Danse, un cocktail ambitieux pour un festival international

Le festival programme depuis 38 ans compagnies françaises, valeurs sûres internationales et talents régionaux. Un cocktail ambitieux pour tous les publics qui ne déroge pas à la règle en 2018, malgré quelques ratés

Le à la sauce israélienne

C'est la première fois que le , dirigé par , est invité au festival . Dans le cadre de l'année France Israël, la compagnie toulousaine a sollicité trois chorégraphes israéliens pour de nouvelles créations sur-mesure. Même s'il est sympathique, l'exercice est vain et le rendez-vous raté.

Roy Assaf a visiblement été fasciné par les danseurs de formation classique qui forment le pour adapter Adam, une pièce créée en 2016 pour la Batsheva Dance Company. Il se contente de leur faire énoncer les parties de leur corps dans un exercice vain et sans valeur ajoutée. Mighty Real, de Yasmeen Godder, est un solo écrit pour Kayo Nakazato, danseuse du Ballet du Capitole, qui s'affronte vaillamment aux frottements de la bande-son dans une tenue de boxeuse. Là encore, on ne voit ni la nécessité, ni l'intérêt de la pièce, portée par une interprète qui n'a pas suffisamment de présence pour faire oublier les défauts de la chorégraphie. Enfin, suivant l'exemple et les process déjà expérimentés par Jérôme Bel, Hillel Kogan a choisi pour Stars and Dust six danseurs du Ballet dont il a épluché le CV et la vie personnelle pour en tirer la matière d'une bande-son biographique. Mais lui aussi a été impressionné, voire inhibé, par la formation classique des danseurs toulousains, qu'il lance dans des démonstrations de virtuosité. Parfois drôle, le dispositif repose avant tout sur le sens de l'autodérision des danseurs, qui jouent brillamment le jeu. En revanche, l'apport du chorégraphe n'est pas visible dans l'écriture du mouvement et à peine dans la mise en espace !


Nouvelles perspectives de

Interrompue par la pluie, la création de , Twenty-seven perspectives, sample la Symphonie inachevée de Schubert pour une déconstruction formelle faite de multiples et infimes variations. , danseuse pour de nombreux chorégraphes qui ont compté et comptent encore, trace depuis quelques années un sillon singulier dans le paysage de la danse contemporaine française. Depuis sa première pièce, Professor, elle s'intéresse à la composition musicale en faisant appel à des compositeurs vivants et des musiciens live. C'est la première fois qu'elle s'attaque à un monument de la musique romantique, l'Inachevée de Schubert. Son ambition est démesurée : trouver une forme d'achèvement à la partition et en faire une symphonie chorégraphique. Pour y parvenir, elle s'appuie sur vingt-sept variations, démultipliant les points de vue, ménageant des ellipses et des éclipses, conjuguant apparition et disparition dans une alternance d'ombre et de lumière. Si les dix danseurs sont intensément présents, isolément ou à l'unisson, la force centrifuge du concept tend un peu à les écraser, sans leur laisser une respiration nécessaire à l'émotion.

Naïf production : collectif au masculin pluriel

Ni collectif, ni compagnie, Naïf production se revendique comme un groupe d'expérimentation et d'individus. Dans Des gens qui dansent, cinq danseurs déclinent pendant une heure trente leur vision du rapport au corps masculin et leurs théories un peu fumeuses sur le partage ou la frontière. Ces cinq très bons auteurs-interprètes sont excellents dans les parties dansées, où leur physicalité, leur engagement rappellent par certains côtés les spectacles de Wim Wandekeybus. Mais le rythme du spectacle est ralenti et considérablement alourdi par les adresses parlées aux spectateurs, dont les textes sont mal écrits et sans intérêt. Ces cinq garçons dans le vent ont pourtant un certain sens de la dramaturgie comme le prouve le final au son de La Forza del destino, de Verdi, dans une apocalypse joyeuse.


Violoncelle seul pour Anne-Teresa de Keersmaeker

Dans ce spectacle créé à la Ruhrtriennale en 2017, puis repris en tournée, baptisé Mitten wir im Leben sind, enchaîne les Suites pour violoncelle seul de Jean-Sébastien Bach. Ce n'est pas la première fois que la chorégraphe
belge s'attaque à la musique du Kantor de Leipzig. Elle en aime la rigueur d'écriture et la profonde humanité et sensualité. C'est d'ailleurs le jaillissement baroque qu'elle retient dans cette interprétation, confiant à ses danseurs des parcours bondissants, presque sportifs. Trois hommes puissants et deux femmes plus frêles endossent à tour de rôle les cinq premières suites, pour se retrouver tous ensemble dans la sixième. Marches, courses épousant le rythme de la musique, valorisant sa dimension dansante, brodant d'infinies variations de boucles, de spirales, de tours et de sauts. Au centre, éclairé par un unique projecteur, joue imperturbablement et magnifiquement de son violoncelle, assumant d'en faire une voix humaine.

Crédits photographiques : © Ida Jakobs, Konstantin Lipatov, Anne Van Aerschot

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