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Les Musicales de Blanchardeau passent la cinquième

Seizième année d'un petit festival breton attaché à la transmission du grand répertoire qui innove également par le biais d'une soirée destinée à mettre en avant quatre jeunes talents.

Mine de rien, 2018, tranquillement rêvées « Nuits rhénanes », balaient audacieusement un spectre qui va des 17 ans de précoces jeunes talents parrainés par aux 72 ans du , en passant par l'âge médian du baroque .

fait l'ouverture de la manifestation sur un lumineux Steinway avec un concert extrêmement prenant qui vient rappeler le grand pianiste qu'il est. L'indémodable Sonate Alla Turca donne le ton d'une main gauche qui affiche immédiatement son indépendance au fil d'un discours précis et clair, qualités que l'on retrouvera dans les sautes d'humeur de Davidsbündlertänze avec un Schumann tenu à idéale distance de Florestan et d'Eusebio. Ces conditions posées, la mélancolie introspective de l'ultime Sonate D960 de Schubert étreint dès l'énoncé du sublime thème introductif. La soirée se conclut par la générosité de trois bis : la Consolation n° 3 de Lizst, une transcription de l'émouvant Adagio pour Glassharmonica du dernier Mozart pour clavier, et, enfin, bien qu'un instant compromis par l'effroi né du repos, sur la partition de Debussy, d'une mouche noire venant rappeler que le grand artiste est aussi un être humain, de surcroît plein d'humour, les Cloches à travers les feuilles.

Le lendemain, le pédagogue gourmand qu'il est aussi, professe son désir de « confier ses secrets ». , après une exécution des quatre premières Mazurkas de Chopin (compositeur qui lui a valu d'être lauréat du Concours de Varsovie en 1985), laisse place aux quatre jeunes talents que le festival a décidé d'accompagner trois années durant. L'impressionnant Robin Le Garsmeur découvre avec une touchante gaucherie l'effet que font sur l'assistance les irisations lumineuses de son Ravel, les élans de fauve de son Rachmaninov et l'autorité de son Chopin où un peu d'alanguissement n'aurait cependant  pas nui au célèbre thème. Clémentine Spinosi se laisse de même cueillir avec une fraîche ingénuité par l'accueil que lui réserve une assistance clouée à son siège par la surprise d'un Ostinato de puissant et un Sonnet de Pétrarque d'une attentive intériorité. Les deux pianistes, qui, avant de rejoindre les classes respectives de Jean-Marc Luisada et de , furent élèves de Cornelia Lindenbaum, l'actuelle présidente du festival, s'envolent ensuite à quatre mains avec la Danse hongroise n° 6 de Brahms et concluent en douceur avec un bref extrait de Ma Mère l'Oye. La seconde partie, moins volcanique, nous fait entrer dans la confidence de l'accompagnement pianistique de Virgile Roche, la délicatesse même envers le violon d'Élise Bertrand. La jeune artiste, également compositrice, entre gracilité et fragilité, touche par une musicalité qui rend justice à la si belle Sonate K 304 de Mozart, à l'Opus 105 n° 1 de Schumann et au très beau bis de Bach, ce condensé de l'Erbarme de la Saint-Mathieu qu'est la Sonate pour clavier n°4.

Le festival semble vouloir pérenniser l'excellente idée d'un espace pour la musique baroque. L' donne, quelques jours après, l'intégralité du disque Bach/Telemann qu'il vient d'enregistrer. Exécution irréprochable, éloignée de la radicalité d'Il Giardino Armonico comme de certaine placidité d'un temps évanoui. C'est un plaisir d'écouter autant que de voir la complicité qui circule d'un interprète à l'autre, du clavier de toute en regards malicieux, de l'alto de Laurent Muller, du violon concertant d', l'autorité d' faisant le reste. C'est peut-être ce que l'on retient le plus d'une soirée intensément musicale, qui nous a cependant paru brève et un brin frustrante : si l'on découvre le magnifique Telemann TWV 52:E1, que l'on aurait volontiers inversé avec le 54:B1 (d'ailleurs le rustica de  son irrésistible Presto final est donné en bis), on trouve aujourd'hui insuffisamment motivant de voir arraché aux Brandebourgeois le Concerto pour clavecin, 2 flûtes à bec, cordes et basse continue, même réintégré en fa majeur, de Bach.

Le est de ces mythiques formations qui donnent le sentiment d'être confortablement installé chez soi devant des baffles diffusant les meilleures versions discographiques. Perfection de l'Opus 18 n° 1 avec un Adagio à tomber d'émotion, et qui donne envie de réécouter tout le corpus beethovénien. Même sentiment dans le virage à 180 degrés de l'impressionnant opus 122 de Chostakovitch. Naturel introductif, spectaculaire conclusif de chacun des mouvements, beauté tranquille du premier violon de Ralph Evans, soutien indéfectible du second violon d'Efim Boico, particulièrement impressionnant de pureté sonore dans les effets vivaldiens de l'Humoreske. Le Debussy est tout aussi soigné, avec une mention particulière pour la belle coloration des harmonies à l'antique de l'Andantino. Le festival se clôt en beauté avec ces belles et bonnes nouvelles venues d'Amérique.

Crédits photographiques : © Odile Delaune

 

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