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Une éblouissante Arabella munichoise au Théâtre des Champs-Élysées

Comme chaque année désormais, les forces de l'Opéra de Munich viennent au Théâtre des Champs-Élysées présenter au public parisien une de leur production en version de concert. Des échos si favorables de cette Arabella nous étaient parvenus que les amoureux de ne pouvaient rater cette soirée sans craindre de passer à côté de quelque chose.

Le public parisien est gâté depuis quelques temps avec des distributions de haut vol et d'une parfaite homogénéité. C'était le cas avec l'Hamlet de l'Opéra Comique au mois de décembre, ça l'est encore aujourd'hui avec cette Arabella.

D'abord parce que le fabuleux Orchestre de l'Opéra de Munich répond parfaitement à la battue ample et élégante de et assume tous les contrastes qu'exige cette partition singulière qui oscille entre conversation en musique et envolées lyriques, grands sentiments et mascarades : on admire la rutilance des cuivres pour la fête ou l'accompagnement viril des airs de Mandryka, on est emporté par la tendresse des violons, on est subjugué par les couleurs. connaît bien Strauss qu'il dirige régulièrement, et sa direction permet de ne jamais relâcher la tension et d'accompagner les chanteurs dans les portraits qu'ils dessinent de leurs personnages. Et quels chanteurs !

L'Arabella d' est un modèle d'intelligence du texte et de musicalité. Après des débuts un peu en retenue, la voix prend de l'ampleur, les aigus deviennent plus radieux et les moirures apparaissent. Phrasé magnifique, couleurs, tempérament. Rien ne manque à ce portrait dense et fouillé de cette Arabella coquette aux angoisses narcissiques, mais dont finalement tout le monde est amoureux parce qu'elle porte en elle les charmes d'une Vienne fanée mais aux effluves persistantes. Les duos avec touchent les cimes. Il faut dire qu'elle a un partenaire à sa taille et lui aussi compose un Mandryka attachant, rugueux mais amoureux, rustre mais authentique, trouvant finalement sa place auprès de cette Arabella qui arrondit les angles. Que dire de cette performance stupéfiante ? Le charisme naturel du baryton, l'autorité de sa voix et sa capacité à la moduler pour passer de la composition comique aux grands élans amoureux emportent tout, et beaucoup de la dynamique de cette soirée lui revient.

Autour d'eux, une constellation de magnifiques artistes. La Zdenka d' bénéficie d'aigus tranchants et assurés et de la projection insolente d'une voix claire et limpide qui l'aide à assurer un portrait de jeune fille sacrifiée franchement réussi. On reste impressionné et amusé par le couple des parents Waldner formé par les truculents et , particulièrement en voix malgré le poids des ans. Le Matteo de est peut-être scéniquement plus en retrait mais sa superbe voix, son legato et l'élégance de sa ligne de chant séduisent dans ce rôle d'amoureux contrarié. Dans la même lignée, (Elemer), Sean Mickael Plumb (Dominik) et (Lamoral) forment un trio de séducteurs déçus particulièrement réussi et bien chantant. On ajoute à cela la Fiakermilli toute en virtuosité de l'aigu mais aussi en pulpe du grave de , l'impressionnante diseuse de bonne aventure de et le valet de chambre « grand style » de Niklas Mallmann, et on obtient une distribution d'une parfaite homogénéité qui déclenche l'adhésion immédiate et sonore d'un public ravi de s'être ainsi baladé dans les méandres d'une Vienne délicieusement surannée.

Crédits photographiques : © Wilfried Hösl

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