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Faust à Marseille ou les avantages de la coproduction

Cette production de Faust de Gounod donnée à Marseille avec une magnifique distribution, n'est pas une nouveauté. Après un passage à Avignon, Nancy et Metz, elle fera plus tard escale à Nice.

C'est pourquoi nous allégerons notre propos sur la mise en scène, précédemment fort bien analysée par notre confrère Pierre Degott, et réserverons toute notre admiration à la distribution réunie par l'Opéra de Marseille, car c'est bien de belles voix, d'enivrements sonores, qu'il s'agit dans la salle de la cité phocéenne.

Dans le rôle-titre, fait montre d'un timbre cristallin, de merveilleuses demi-teintes, mais aussi de quelques inconforts dans l'aigu, et d'une présence pataude, peu aidé par un costume mal seyant. Il nous avait habitués à mieux. La vedette lui est de toute façon volée par le Méphistophélès exceptionnel de , formidable de présence et d'entregent. Dans son blouson de cuir, son tee-shirt rouge et ses bottes de la même couleur, il dévore la scène avec panache, diction gourmande, aigus glorieux et graves impressionnants.

incarne une Marguerite saine, pleine de joie de vivre, à la voix charnue. Elle passe sans encombre du brio assumé de l'air des bijoux à la terreur de la scène de l'église puis à la rédemption, en semant ça et là quelques aigus filés d'une grande beauté. Son époux dans la vie et frère sur scène, le baryton , n'est pas en reste. Valentin glorieux et sonore, il parvient à arracher les larmes au moment de sa mort.

Le choix a été fait d'un Siebel masculin, à la place d'une mezzo-soprano travestie. On ne s'y habitue pas, et même si ne démérite jamais, et si sa composition d'un handicapé incapable de partir à la guerre, au lieu d'un adolescent trop jeune, est vraiment aboutie, les sonorités n'y sont pas, et la tessiture trop centrale ne lui permet pas de faire valoir ses talents. Mais tout du moins entendons-nous l'air rare « Si le bonheur à sourire t'invite ».

En Faust vieux, a très peu à chanter, mais beaucoup à exprimer. Présent sur scène de bout en bout, il délivre une impressionnante prestation d'acteur dans son rôle d'une sorte de revenant qui revit avec angoisse chaque instant de la tragédie, sans pouvoir interférer.

parle désormais plus qu'elle ne chante, mais elle incarne une savoureuse dame Marthe. En quelques minutes, le bien chantant Philippe Ermelier parvient à faire exister le rôle épisodique de Wagner.

On tire notre chapeau à des chœurs homogènes et impliqués. À ce propos, il semble que , qui n'a pas jugé bon d'assister aux saluts en ce jour de première, ait revu sa mise en scène sur certains détails. La scène d'orgie de Walpurgis était dans les maisons d'opéra précédentes confiée à des danseurs et danseuses plus ou moins homo érotiques, ce qui aurait déclenché l'ire des spectateurs d'Avignon (on est pourtant bien loin de l'univers d'Olivier Py !). Cette fois, toutes les choristes féminines sont présentes et agitent leurs voiles, y compris celles dont les physiques ne respectent pas vraiment l'imaginaire collectif des « reines de beauté de l'antiquité », et c'est très bien ainsi. Dans l'un et l'autre cas, cette mise en avant des minorités est à saluer.

Sous la direction de , l'orchestre, après quelques velléités de ralentissement, vite réprimées par le chef, délivre tout le scintillement de la partition.

Crédit photographique : © Christian Dresse

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