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Album Cavalli avec Philippe Jaroussky

La sélection opérée par et l' atteste l'extrême diversité d'un répertoire qu'on commence à peine à découvrir. Interprétation optimale pour une musique dont on ne cesse de compter les multiples beautés.

Avec la découverte récente à la scène de titres comme Erismena, Giasone, Eliogabalo, Oristeo, Didone ou Xerse, sans oublier les classiques que sont désormais Calisto ou Ormindo, on ne peut plus dire que les opéras de Cavalli soient des raretés. De fait, le public goûte de plus en plus ce maillon manquant entre Monteverdi et le XVIIIe siècle italien, émaillé de ces intrigues alambiquées qui pratiquent sans ambages le mélange des genres et qui permettent de faire se côtoyer le tragique et le comique, les aspirations les plus nobles comme les instincts les plus bas. Le potentiel théâtral de ces ouvrages semble être aujourd'hui une source inépuisable d'inspiration pour nos musiciens et nos metteurs en scène.

Le programme du nouveau disque de reflète cette diversité, même si la priorité semble être donnée aux morceaux exprimant le lamento, modalité qui va comme un gant au contreténor et aux couleurs mélancoliques de sa voix. Les pièces de virtuosité ne sont pas en reste, même si l'écriture vocale de cette période n'a rien à avoir avec ce qu'elle allait devenir quelques décennies plus tard. De fait, il s'agit à n'en pas douter d'un des meilleurs albums de Jaroussky, en raison vraisemblablement de l'adéquation totale entre la nature des airs à interpréter et le matériau vocal de l'interprète, moins étincelant dans l'esthétique plus virtuose du XVIIIe siècle que ses confrères Max Emanuel Cencic ou Franco Fagioli. C'est donc dans l'expression de la plainte et du désespoir qu'excelle Jaroussky, qui nous gratifie avec les extraits d'Erismena, d'Eliogabalo, de Gli amori d'Apollo e di Dafne, de moments particulièrement poignants. Cela n'empêche ni la sensualité de l'air « Delizie, contenti » de Giasone ou du « Lucidissima face » de Calisto, ni l'humour décapant de « Che città » d'Ormindo, bijou d'ironie et de drôlerie. Le vent de folie souffle également dans l'inénarrable duo de Calisto qui l'oppose à la Linfea de , truculente dans ce rôle éminemment comique. Les délectables duos avec le soprano argenté d' comptent eux aussi parmi les morceaux de choix de ce CD.

On aura compris que ce programme, rehaussé encore par la qualité des instrumentistes de l', fera beaucoup de bien dans la popularisation des opéras de Cavalli, dont certains sont encore à exhumer. Il s'agit en tout cas d'un enregistrement enthousiasmant, qui montre également la capacité de renouvellement d'un artiste qui, visiblement, a encore beaucoup de choses à nous dire.

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