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La Guilde des mercenaires, l’ampleur du geste

Après un premier disque consacré à la musique instrumentale de Bassano, le jeune ensemble continue à creuser le sillon de la musique italienne des XVIe et XVIIe siècles, avec une très grande réussite.

Ce programme vénitien qui va de (mort en 1565) à (mort en 1669) et qui mêle voix et instruments, sacré et profane, est l'occasion pour le cornettiste d'affirmer un ensemble d'idées fortes et tout à fait pertinentes : jouer la musique de cette époque dans une église, avec un orgue de tribune et une variété d'instruments au son ouvert, permet de lui redonner tout son lustre et son ampleur originels. Le projet d'enregistrer avec un orgue d'époque en Italie n'ayant pas pu être concrétisé, les musiciens se sont tournés vers l'abbatiale de Saint-Amant-de-Boixe en Charente et son orgue Renaissance de 2012 dû à Quentin Blumenroeder, bien connu du claveciniste et organiste Jean-Luc Ho et promu par le violoniste depuis le projet de sa construction. Le basson de , la bombardine d' et la voix de complètent le dispositif, sachant que les trois instrumentistes à vent passent aussi à l'occasion à la flûte à bec renaissance.

Le résultat est absolument enthousiasmant. Même une oreille habituée à la musique italienne de cette époque est immédiatement séduite par la variété et l'ampleur des sonorités et du jeu, la netteté des intentions et la force du discours. Le programme fait la part belle à des pièces pour soliste et orgue volontiers virtuoses, comme la Sonate pour cornet à bouquin et orgue de , la Sonata prima de Bertoli prise au basson, ou encore des diminutions de Francesco Rognoni pour flûte soprano sur Ancor che col partire de est époustouflante. Mais les ensembles, rutilants et flamboyants, impressionnent encore plus, comme dans la Canzon supra Susanna d' avec cornet et deux bassons qui ouvre le disque, ou la Sonata sestadecima a tre de , la seule pièce du programme avec violon. Et quand ils intègrent la voix bien projetée de et emplissent l'espace, ils produisent un effet tout aussi saisissant, notamment dans le motet Iubilent omnes de . Les pièces vocales plus intimistes, religieuses comme Pulchra es amica mea de Palestrina avec trois flûtes à bec, ou profanes comme Susanne un jour dans un accompagnement pour orgue seul de , constituent quant à eux des moments de plénitude bienvenus.

Touchant un orgue muni pour l'heure de « seulement » une douzaine de jeux, Jean-Luc Ho quant à lui est à la base de la réussite de l'entreprise. Présent à chaque pièce, il sait trouver les bonnes combinaisons de registres au service à la fois de l'ampleur de la musique et de la variété des sonorités. La Sonata seconda de avec au cornet en est un excellent exemple, qui alterne les nuances et permet d'admirer des registres peu communs comme le nasard ou le tremblant.

En plus de donner une vision plus juste de ce qu'était la musique italienne de l'époque, sans distinction nette entre profane et sacré, cet enregistrement est un enchantement constant pour l'auditeur et ne peut que donner envie de vivre l'expérience du concert en église.

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