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Iolanta/Casse-Noisette à l’Opéra de Paris, de quoi vouloir rester aveugle

Casse-Noisette est repris cette saison avec son pendant historique au moment de la création en 1892, Iolanta. Cette production phare de la période Lissner ne pouvait que ravir balletomanes et amateurs de lyrique. Mais la gageure de l'Opéra de Paris a été de faire passer l'idée qu'assister à une somme de deux chefs d'œuvres transposée dans une mise en scénographie contemporaine serait superlative – au risque avéré d'une déception résignée.

La soirée, divisée en trois parties se font succéder le Casse-Noisette à Iolanta. La mise en scène de suggère que l'héroïne de l'opéra assiste à une représentation pour son anniversaire du conte mis en musique et que, pleine de ces réminiscences angoissantes, elle tombe dans un sommeil profond où elle vivra toutes les péripéties déployées dans l'œuvre chorégraphique. C'est la partie dansée qui se révèle toujours aussi décevante que lors de la création, répartie entre trois chorégraphes contemporains aux langages différents et dont le mélange se fait peu harmonieusement, malheureusement.

Le langage heurté et saccadé de Lock angoisse d'autant plus que la musique doucereuse accompagnant les mirlitons ou celle des divertissements folkloriques en est complètement opposée dans ce qu'elle est censée évoquer (un monde sucré, régressif et bienveillant). Assumer un tel contresens vaut certainement pour un parti pris artistique et expose certainement à la critique ; c'est sans compter que l'absence totale de signature chorégraphique pour l'anniversaire de Marie (partie réservée à ) est tout juste sympathique et que les pas de deux écrits par sont anonymes à l'excès. Alors que l'ambition du ballet ne dépassait guère l'intérêt du divertissement, Tchaïkovski composait une musique sublime pour qu'elle soit le support d'une création de mouvements divins ; confier cette musique à un manque de recherche de pas, qui se révèlent finalement agressifs ou peu originaux, conduit à un affadissement de la représentation qui n'en finit pas de s'étirer en longueur.


Il faudra alors garder de ce spectacle le souvenir de la première partie occupée par l'œuvre lyrique Iolanta. En effet, la voix mélodieuse et très ronde de Valentina Naforniţă permet un contraste saisissant avec celle d'Elena Zaremba, voix caverneuse et cuivrée. Du côté des hommes, il faut s'extasier sur la brillance métallique de dans l'aigu émis de façon aisée (dans Vaudémont), la noblesse de ton de en Roi René (parfois un rien couvert par l'orchestre) et l'assurance de dans Ibn-Hakia. L'orchestre est savamment dirigé par , de façon homogène et simplement efficace. La scénographie, resserrée par un cadre de scène limité permet alors un équilibre des voix avec l'orchestre idéal qui autorise toutes les couleurs orchestrales de se dévoiler sans effort.

Un spectacle en demi-teinte donc : pour la partition et l'exécution musicale, il aura fallu privilégier l'écoute au visuel et mimer, pour les aspects chorégraphiques, la cécité de l'héroïne Iolanta.

Crédits photographiques : Iolanta ;  Casse-Noisette © Julien Benhamou/Opéra National de Paris

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