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Alceste de Gluck à l’Opéra de Munich, sans style et sans noblesse

Seule la chorégraphie élégante de sauve la soirée du désastre.

Après l'éclatante réussite de ses Indes Galantes, on pouvait avoir de fortes attentes dans la mise en scène de , même si la place de la danse est naturellement moindre dans Alceste. Il propose avec les danseurs de sa compagnie Eastman un spectacle d'une belle tenue esthétique, où c'est tout le spectacle qui est en mouvement. Avec son vocabulaire chorégraphique fluide et inventif, avec son ouverture aux influences du monde entier, Cherkaoui donne au spectacle d'opéra un rythme qui n'appartient qu'à lui, et cela aurait pu suffire à obtenir une belle soirée, mais deux conditions essentielles à une telle réussite ne sont pas remplies. La première, qu'il avait satisfaite de la plus belle des façons dans Les Indes Galantes, c'est que tout ceci propose une interprétation pour un opéra qui n'est pas sans mystères. Il en avait certainement les moyens : après tout, Apollon est un dieu oriental, les rites de mort que décrit l'opéra vont chercher loin au-delà de la rationalité orientale, et l'opéra ne se laisse pas réduire à une Grèce de marbre et de soleil (le décor du spectacle, lui, ne va pas chercher beaucoup plus loin). Ce n'est pas la seule piste possible, mais celle-là aurait sans doute pu lui convenir : le problème n'est pas qu'il ne l'ait pas suivie, mais qu'il n'en ait suivie aucune.


La seconde condition aurait été que cette chorégraphie serve de toile de fond à une interprétation musicale satisfaisante. Après tout, les mises en scène de Robert Wilson au Châtelet puis d'Olivier Py au Palais Garnier n'étaient pas beaucoup plus que décoratives, mais la musique compensait largement ce que la scène ne tenait pas. montre dans la fosse un singulier manque d'affinités avec la musique de Gluck, qu'il dirige platement, sans élan dramatique, sans travail des couleurs. On a rarement entendu le chœur de l'Opéra de Bavière aussi terne, et quelques décalages avec l'orchestre laissent clairement entendre que c'est en fosse qu'est le problème, d'autant que les coryphées, eux aussi, ne sont pas à leur avantage. Parmi les rôles principaux, seul en Hercule tire son épingle du jeu. en Admète aurait pu convaincre s'il avait eu le timbre clair et percutant qu'on attend à juste titre dans ce répertoire ou s'il avait eu la vaillance héroïque qui aurait convenu à un Gluck adapté par Wagner, comme il l'a fait pour Iphigénie en Aulide.

Dans le rôle-titre, parvient encore moins à venir à bout de son rôle. Style exotique, diction imparfaite, difficultés vocales se conjuguent pour une soirée difficile qui passe souvent par des cris dans l'aigu et des graves excessivement poitrinés. ne la dirige pas vraiment, elle moins encore que les autres solistes, si bien qu'elle en est réduite le plus souvent à chanter en bord de scène comme dans la plus traditionnelle des mises en place à l'ancienne : c'est bien peu pour une œuvre d'une telle force tragique.

Crédits photographiques : © Wilfried Hösl

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