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Les Bruckner désenchantés de Nelsons à Leipzig

Le quatrième volume de l'intégrale Bruckner d' à la tête de l' est une nouvelle déconvenue après de décevantes Symphonies n° 3, n°4 et n°7.

Ce chef qui a réussi, au disque, de si belles prestations, notamment dans Strauss, Tchaïkovski et Dvořák (Symphonie n°9, BR Klassik, Clef ResMusica) passe une fois encore à côté de ses Bruckner. Pourtant, tout semblait réuni pour réaliser une impeccable Symphonie n° 6. Après une belle introduction, la sonorité est plaquée. Le caractère héroïque de l'œuvre a disparu. Le flux n'est pas habité, les élans brisés (5'50'', 12'40''). La sonorité s'évanouit comme si les interprètes avaient perdu toute énergie et inspiration. Nelsons ne sait que faire des passages les plus élégiaques dont il enchaîne les motifs sans but. L'adagio est pire : poussif dans les fins de phrases, relancé avec des accents inopinés (7'), écrasé dans le magma des grands forte. Certes, la plastique de l'orchestre est souvent superbe – cordes graves, hautbois -, mais tout demeure tellement prévisible ! Dans le scherzo, véritable danse cauchemardesque, le jeu des dynamiques fait office d'idée. Hélas, l'orchestre sature systématiquement, ce qui a pour conséquence de raidir la sonorité des violons. Le finale “butine” au gré des phrases qui ne sont guère tenues. C'est l'ivresse des cimes jusque dans une “wagnérisation” hors de propos (7').

La dernière symphonie d' est “efficace”. Sans plus. L'orchestre interprète sans enjeu ni réelle nécessité. Voilà une mécanique bien huilée, que l'on retrouve virtuose ou plus exactement “sportive” dans le scherzo. Point de mystère, d'élévation de l'âme dans l'adagio, le mouvement le plus intéressant, toutefois, de cette lecture.

Les deux pages de Wagner contrastent d'autant plus après ce que nous venons d'entendre. La clarté, du Prélude de Parsifal est magnifique. On reprochera, éventuellement, une conception distanciée, mais la noblesse de ton, la finesse des cuivres impressionnent. Siegfried Idyll est superbe. Pour la première fois, l'orchestre paraît être pleinement lui-même, soyeux et rayonnant, tantôt chambriste, tantôt opératique. Ces quelque vingt minutes de musique (dans l'une des lectures les plus lentes de la discographie) feraient presque oublier la déconvenue des symphonies.

En intégrales, les symphonies sont préférables, avec cet orchestre, sous les baguettes de Masur et plus encore de Blomstedt. En versions séparées, les interprétations marquantes de la Symphonie n° 6 ne manquent pas : Mariss Jansons (RCO), Lorin Maazel (BR Klassik), Günter Wand (RCA), Eugen Jochum (Tahra), Otto Klemperer (Warner Classics)… Pour la Symphonie n° 9, le choix est plus large encore. Pour conclure, on s'interrogera sur la place que laissera cette somme Bruckner dans le catalogue DG, après les deux prodigieux témoignages de Jochum et de Karajan.

 

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