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L’Ensemble Diderot explore la sonate en trio à travers l’Europe baroque

Avec ses deux enregistrements London Album et Paris Album, le jeune , sous l'impulsion du violoniste , nous propose un panorama de la sonate en trio dans l'Europe de la fin du dix-septième siècle. Ou comment le style italien vient influencer la France et l'Angleterre à la même époque.

Deux violons et la basse continue (clavecin et basse d'archet) : voici la formation typique de la sonate en trio dont la forme nous vient d'Italie, portée à l'excellence par Corelli. En Angleterre, c'est la figure tutélaire d' qui sert de fil conducteur à cette introduction du style transalpin. À la restauration des Stuart, après les terribles années Cromwell, c'est vers la France et l'Italie que se tourne la vie musicale londonienne. Le violon vient peu à peu remplacer la viole, et la pratique amateur laisse place aux musiciens professionnels, à cause des exigences techniques du nouveau style venu du continent. En provenance d'Italie ou d'Allemagne, les artisans de cette nouvelle pratique infusent le style anglais en introduisant des éléments rhétoriques typiquement italiens (chromatismes, bariolages violonistiques…) ou français (rythme pointé des ouvertures…). Le résultat de ces influences croisées culmine dans les sonates en trio de Purcell. On retrouve également ici la Sonate en sol mineur de Draghi enregistrée il y a peu par La Rêveuse (Mirare) qui nous proposait une version mêlant flûte et violon dans le même répertoire.

En France, c'est à la mort de Lully (en 1687) que les compositeurs se tournent vers les formes italiennes du concerto et de la sonate. Le musicien choisi par l' comme fil conducteur de ce programme est . Collectionneur autant que compositeur, il nous lègue le plus grand corpus de partitions de son époque et de précieuses annotations sur la façon de les jouer. Cet enregistrement propose deux sonates inédites de Brossard conservées en Suède sous forme de copies, et une autre plus « française » conservée à la BnF, où l'on retrouve les danses typiques de la suite. Plus inventifs dans leur synthèse franco-italienne, André Campra, et  nous offrent des pépites. Mais c'est avec que le genre de la sonate en trio culminera, parfaite illustration des « Goûts réunis » qui nous est proposée ici par la sonate La convalescente. La pièce la plus étonnante du Paris Album est le Tombeau de Monsieur de Lully de : rendant hommage au maître disparu qui avait imposé son style « officiel » à toute la vie musicale française, Rebel s'en éloigne subtilement pour nous offrir un programme dramatique décrivant avec force chromatismes les plaintes, le glas, les soupirs et jusqu'au tremblement de terre, où les archets des violons se déchaînent comme dans les « tempêtes » des opéras lullystes.

Dans ces deux programmes très intelligemment construits et bien présentés dans le texte des livrets, les musiciens de l' font merveille et se situent d'emblée comme une référence dans le paysage du baroque instrumental. Dans le disque Paris Album, la basse de viole d' remplace le violoncelle de Gulrim Choi. La viole est particulièrement remarquable dans la sonate de Jacquet de la Guerre où elle tient par moment un rôle de soliste indépendant de la basse continue. La réalisation de au clavecin est un modèle du genre. Quant à la musicalité des violons, elle est parfaite de bout en bout, dans un remarquable équilibre entre les voix. Les tempi allants engendrent une bonne humeur communicative et les contrastes avec les mouvements lents semblent parfaitement naturels. Du grand art.

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