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Écrits de Vincent d’Indy : un premier volume magistral

Les écrits de ont été réunis pour la première fois. La personnalité de ce disciple de César Franck, directeur de la , entre autres, revit dans un premier volume grâce au remarquable travail de collecte et de présentation de documents de Gilles Saint Arroman. Plus de six-cents pages souvent passionnantes éclairent une période foisonnante de la vie musicale française.

avait un avis sur tout ! Presque tout. L'énergie que déploie cet « héritier du romantisme » comme le décrit l'excellente biographie introductive, témoigne d'un artiste au tempérament fort, à l'énergie irrépressible. Quand il ne compose pas, ce descendant d'une longue lignée de militaires commente l'actualité musicale, remplit des rapports, interpelle les politiques et secoue ses confrères. Sa plume est impitoyable et bien dans l'air du temps. Il prend parti. Au contexte historique explosif que dresse l'auteur, Gilles Saint Arroman – antidreyfusard, assurément, d'Indy soutient les dreyfusards que furent et – s'ajoute le caractère provocateur de d'Indy. Parfois jusqu'à l'absurde. A ses yeux, politique et esthétique sont indissociables (un avis que partagent la plupart des écrivains et artistes de l'époque).

Le musicien n'a de cesse de repenser l'organisation de l'enseignement artistique, des méthodes d'apprentissage de la musique, des concours (« une institution essentiellement nuisible »), de l'organisation de la diffusion musicale, des concerts symphoniques, notamment en région, de l'Opéra et même du Musée du Louvre, de « l'organisation des études du Conservatoire de musique ». Peu importe les griefs et les agacements qu'il provoque ! Il méprise l'académisme musical français avec une verve et un sens de la formule qui rappelle la plume d'un Flaubert vilipendant les lâchetés de ses contemporains.

Fasciné par Wagner et tout autant par le Pelléas et Mélisande de Debussy, il demeure profondément nationaliste tout en n'ayant pas de mots assez durs contre le chauvinisme antiwagnérien. Cherchant à redéfinir la musique religieuse, cet artiste profondément catholique prône la séparation de l'Église de l'État. Sujet délicat s'il en est à l'époque. En vérité, d'Indy participe aux multiples débats d'une société dans laquelle les contraires s'attirent, les liens se font et de défont au gré de l'évolution des idées et des circonstances.

Le fait de présenter les textes de manière chronologique peut sembler fastidieux. Mais, c'est précisément le mélange des sujets (d'une page à l'autre, on passe de considérations sur la théorie musicale, au subconscient chez les artistes) qui surprend le lecteur. Bien des idées sont étonnamment modernes comme ces considérations sur le renouveau du répertoire baroque ou bien la création musicale. Parfois, les digressions littéraires de d'Indy prêtent à rire quand il se transforme, par exemple, en guide touristique à « Baireuth  » (sic) ou se fait critique des concerts parisiens. Plus passionnant encore, lorsqu'il aborde la musique populaire dans l'esprit d'un ethnomusicologue (la discipline n'existait pas encore) et suggère la collecte des chants régionaux.

D'Indy fut un polémiste à l'humour corrosif, émouvant aussi dans ses superbes portraits de Chausson et de Franck. Pour tout dire, un musicien éminemment français.

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