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Un éventail multicolore ouvert sur l’œuvre pianistique de Moondog

Louis Thomas Hardin, dit , est un artiste profondément anticonformiste qui opère en son temps, en dehors de tous les courants et de toutes les modes, la jonction entre musiques savantes, contrepoint classique, musiques amérindiennes, jazz et danse. 

C'est avec une grande sensibilité d'interprétation que le jeune pianiste rend hommage à ce personnage hors du commun, compositeur aveugle, clochard volontaire fardé en viking dans les rues de New York, beatnik avant la lettre qui fut reconnu par et comme l'initiateur de leur propre révolution à venir, mais aussi admiré par des personnalités aussi variées que , Janis Joplin, , , , , ou .

Avec un tel panel d'admirateurs et d'influences, il n'est pas étonnant que ce disque résonne de multiples couleurs, soigneusement choisies dans un corpus d'œuvres allant de 1948 à 1996. Pour s'aider dans sa sélection, a su frapper à la bonne porte puisqu'il collabore avec Amaury Cornut, le spécialiste de en France, auteur d'une biographie reconnue qui fut d'ailleurs sa porte d'entrée dans l'univers du compositeur. Le riche livret en forme de discussion entre le musicien et le spécialiste éclaire sur son parcours atypique et sur sa musique si singulière.

Le programme du disque illustre quant à lui toutes les facettes de la musique de , à commencer par la passion qu'il nourrissait pour le polyphoniste Jean-Sébastien Bach, au travers de l'hommage appuyé du Prelude and Fugue n°1 (1961) ou de différents extraits des livres constituant la somme The Art of the Canon (1962 et 1972). En contraste, l'auditeur est également plongé dans la musique de danse avec les tournoiements de Barn Dance (1978), la légèreté festive de Santa Fe (sans date), l'hypnotique et répétitif Elf Dance (1977) ou la courte et tendre Mazurka (1948) interprétée avec un romantisme à fleur de peau. Le jazz n'est pas en reste avec les trois mouvements de Mood in Montreux (1996) ou Jazz Book (1977). Tout au long du disque, les particularités d'écriture de l'artiste se révèlent : délectation pour la figure du canon, grande inventivité mélodique, exploitation des mesures composées, ivresse du rythme, fascination pour l'ostinato. Ainsi peut-on remarquer la fréquente apparition d'un rythme tambouriné à la main gauche à la façon des percussions continues utilisées dans certaines musiques amérindiennes, comme dans Barn Dance, Rue Lette (1978), Ma Petite (1978) ou Jazz Book. Sea Horse (1956) en reprend également les échelles pentatoniques et les couleurs mélodiques particulières, exploitées dans d'intéressants effets de timbres issus des registres extrêmes du piano.

Choisir Moondog pour un premier disque en dit long sur la passion et l'engagement de pour les musiques minimalistes. Il ne s'en cache pas, et c'est avec une grande délicatesse et une touchante sincérité qu'il aborde ce répertoire encore peu connu et en partie inédit. Ce très beau disque est par ailleurs servi par une prise de son d'une très grande qualité.

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