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Un Lohengrin inégal à Munich

Le Lohengrin de Klaus Florian Vogt est égal à lui-même, mais n'a pas la voix d'Ortrud.


La mise en scène de en 2009 est bien connue : à l'époque, une distribution exceptionnelle autour de Jonas Kaufmann et Anja Harteros l'avait mise sous les feux des projecteurs, sans pourtant convaincre qu'elle était à la hauteur de l'événement. Elle a pourtant des qualités réelles, clarté de la narration, cohérence de l'univers créé, capacité à construire une progression sur les trois actes ; surtout, le personnage d'Elsa, enfermée sur elle-même au premier acte, se libérant progressivement mais toujours si vulnérable, vaut mieux que la caricature qui est souvent faite de ce spectacle en « production Ikea ».

L'intérêt principal de cette reprise, naturellement, tenait à sa distribution plus qu'à la perspective d'un grand moment de théâtre musical. Le retrait d'Anja Harteros de cette soirée est naturellement dommageable, et sa remplaçante, , n'a pas eu le temps de se faire à la production. Appelée la veille, elle propose une interprétation très différente de celle de Harteros : la voix est plus sombre, moins rayonnante, mais ce n'est pas un mal dans une mise en scène qui ne réduit pas Elsa à un cliché de blondeur germanique. Sans doute un peu plus de temps de préparation n'aurait pas nui pour lui donner un peu plus de souplesse et de naturel, mais telle quelle cette Elsa sombre est passionnante.


On ne pouvait qu'être intrigué par la prise de rôle de en Ortrud, elle qui a chanté Elsa de manière si admirable. Le cœur du rôle, le deuxième acte, lui convient bien, la diction percutante permet de distinguer les moments de fausse douceur et ceux d'ironie mordante ; le timbre perd souvent sa lumière distinctive, mais on peut croire à cette Ortrud. Ses imprécations au troisième acte la trouvent hélas à bout de voix, le timbre éteint, les fins de phrases poussées à bout de bras, le fragile équilibre de l'acte précédent volant en éclat. Cela ne change rien à l'enthousiasme de fans peu discriminants, mais c'est fort douloureux. Un peu décevant aussi est le Telramund de Wolfgang Koch, déjà présent en 2009, mais qui a perdu beaucoup d'éclat ; il reste un personnage intéressant, pétri de doutes et de contradictions. , lui aussi présent en 2009, n'a lui rien perdu, bien au contraire, et il trouve avec en Héraut un adjoint bien digne de lui.

Lohengrin est ici comme souvent Klaus Florian Vogt, qui a chanté le rôle partout, avec son timbre unique, lumineux au point d'être un peu trop blanc. On n'oubliera pas pour lui le souvenir de dans cette production en 2009, mais à défaut d'une incarnation plus complexe Vogt offre une voix à toute épreuve, capable de nuances, n'ayant jamais à sacrifier le texte pour sauver les notes. Le critique peut toujours faire le difficile et trouver tout ceci bien prévisible, il faut se rendre à l'évidence : remontez toute votre discographie historique, voilà un Lohengrin comme il s'en est peu rencontré depuis que l'enregistrement nous permet de comparer.

a dirigé beaucoup de représentations de routine à l'Opéra de Bavière ces dernières années ; le prélude avec ces cordes à la limite de la justesse occasionne quelques frayeurs, mais les choses se mettent vite en place et, sans offrir plus que ne le peut une représentation de routine comme celle-ci, Koenigs tient ses troupes avec efficacité, et la qualité remarquable d'un orchestre porteur d'une tradition wagnérienne unique se rappelle à bien des moments aux oreilles des spectateurs. À Munich comme ailleurs, toutes les représentations ne sont pas des grandes soirées, mais une soirée comme celle-ci, imparfaite mais soignée bien au-delà de tel ou tel nom, fait honneur à l'Opéra de Bavière.

Crédits photographiques © Wilfried Hösl

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