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A Vienne, l’intégrale Beethoven décevante de Philippe Jordan

En 2017, deux ans après avoir achevé son intégrale en DVD des symphonies de Beethoven à la tête de l'Orchestre de l'Opéra national de Paris, se lançait à nouveau dans l'aventure avec le Symphonique de Vienne dont il est le directeur musical depuis 2014. Hélas, la première intégrale Beethoven de la formation autrichienne nous laisse sur notre faim.

Phalange aux pupitres restreints, rubato minimal, vibrato asséché, contrastes dynamiques et de tempi maximaux… Les choix de s'inscrivent dans l'ère du temps. Malheureusement, le résultat musical n'est guère convainquant dès les deux premières symphonies. La dureté des attaques, le caractère hautain et sec, le tranchant rêche des premiers violons si peu personnalisés, l'étouffement presque des bois, tout cela laisse présager une reproduction des mêmes concepts au fil des symphonies. La direction de s'enferme dans la seule pulsation rythmique et extrait toute velléité de réminiscence mozartienne dans cette musique, jusque dans l'humour du larghetto de la Symphonie en ré majeur. Le finale séduit par sa virtuosité débridée.

Trépidante, la Symphonie Héroïque s'ouvre judicieusement bondissante. Le souffle est court, articulé, impressionnant de force. La Marche funèbre – tempo allegro assai – est impeccablement conduite. On reprend espoir à l'écoute d'une lecture aussi conquérante et jubilatoire. Le début de la Symphonie n° 4 intéresse à nouveau avant qu'il ne se crispe. Inexplicablement. L'énergie n'est plus portée que par des cordes dures, voire criardes. La circulation du flux entre les pupitres a cessé. Le mouvement devient brouillon jusque dans le finale précipité et sans once de charme.

D'excellents cuivres portent le début de la Symphonie n° 5. Le caractère supposé “révolutionnaire” de l'œuvre supprime toute autre dimension. Il est projeté comme un hymne, sans profondeur, sans nécessité humaine. C'est de l'énergie pure, désincarnée, un décalque, en 2017, de l'arrogance foudroyante d'un Toscanini. La Symphonie Pastorale se refuse, jusque dans un tempo initial beaucoup trop rapide, à creuser les moindres couleurs du romantisme naissant. Voilà une lecture assez plate, voire superficielle. La Scène au ruisseau tout juste murmurée et un orage aussi rude aux cordes frisent la caricature. Encore bien raide, la Symphonie n° 7 joue d'effets mécaniques grandioses. C'est efficace car les équilibres entre les pupitres sont d'une justesse intransigeante. Mais que tout cela est pesant et monochrome jusque dans le finale ! Brouillonne dans les effets de masse, impalpable dans sa fluidité rythmique, la Symphonie n° 8 jaillit d'une virtuosité et d'une dynamique incorruptible, piano ou forte… Le même sentiment de bouillonnement incontrôlé et fébrile est ressenti au début de la Symphonie n° 9. Pas un pupitre de la petite harmonie ne ressort et les tensions dramatiques manquent cruellement d'approfondissement car le mouvement est sans cesse porté par un caractère d'urgence. A l'inverse, l'Adagio molto e cantabile, qui respire (enfin) souffre de quelques baisses de tensions. Le début du finale, assez laid dans les timbres est écrasé. Puis place à l'opéra : impérial de présence et d'intelligence, le ténor , correct, les deux voix féminines, impeccables. Mention spéciale pour le chœur bien que mis en danger avec des tempi extrêmes.

Pour conclure si l'on devait choisit une intégrale Beethoven récente, on se tournerait à nouveau vers Philippe Jordan, mais avec l'Opéra national de Paris. Et, plus encore, vers avec le Gewandhaus de Leipzig (Decca) et, surtout, à la tête du RSO de Bavière (BR Klassik).

 

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