- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Gillot / Marín / Rizzo pour la création de Magma à Lyon

Éclectique tellurique. Rencontre, pour une première au sommet, entre la rigueur héritée du classique de l'éclectique , et le claqué de talon sévillan d'Andrés Marín.


L'Étoile de l'Opéra de Paris, nommée après avoir dansé Signes de en 2004, fit ses adieux, l'an dernier, sur Orphée et Eurydice de , à l'Opéra, mais pas à la danse, qu'elle honore toujours royalement. C'est en reine, en effet, que , qui a dansé les plus grands, de à , explore de nouveaux univers et élargit sa palette à des registres divers, qui lissent ou tordent son corps de déesse, sans perdre une once de grâce. Elle révèle la pureté cachée dans le ici, comme le nom de la pièce semble l'indiquer. Cependant la rencontre surprenante que met en scène , explorateur chorégraphe éclectique lui aussi, avec le flamenquiste Andrés Marín, détone, quand les interprètes passent de solo à duo, éclairant alors les scories des gestes contemporains du sévillan, face aux mouvements au cordeau de sa virtuose partenaire. Andrès Marin a dansé pour , comme pour , en passant par Jiří Kylián ou , et désire constamment rénover le flamenco, l'éclairer de son talon ardent, sous un jour contemporain.

Évoquons la belle mise en lumière de , qui a accompagné dans une douzaine de projets, dont L'oubli toucher du bois (2010), De quoi tenir jusqu'à l'ombre ou encore Ou pas (2014), et frôle les corps des protagonistes avec justesse. La scénographie de Rizzo est tout aussi suggestive, simplissime et belle, une sculpture géométrique au centre, jouant le rôle de paravent, d'où surgit chaque danseur, en solo et en duo, lentement, puis plus dynamiquement, suivant la transe que la musique répétitive impose,  et dont le flux va crescendo. Mais il en va d'une rencontre qui ne se fait pas, sur le thème d'un affrontement tellurique entre deux géants, tantôt au sol, tantôt dressés, aux aguets, dont les talons noirs, attendent, semble-t-il pour Andrès Marin, de claquer le parquet d'un frappé de flamenco retenu, qui sort, puis rentre dans sa coquille. dit qu'elle aurait aimé danser le flamenco sur pointes (ce qu'a fait d'ailleurs, dans Romances Inciertos), elle est, comme Andrès Marin, de noir vêtue, et le noir de leurs chaussures à talons, rappellent, qu'ils vont danser le flamenco, et ne le dansent pas vraiment, l'effleurent, comme en une corrida assez douce au fond, et qui n'aboutit pas. La fin est à ce titre, comique, car ils s'échappent, recouverts de foin synthétique, en transe magmatique, dans un élan tellurique, qui n'a pas pris et ne prendra pas. Leur affrontement dansé eut pu être magnétique, mais il demeure un exercice de styles, inégal.

Quant aux musiciens, dans la pénombre, à droite de la scène, sur une estrade, ils jouent crescendo, imperturbables, indifférents au ambiant, sans rire des danseurs recouverts de foin, secouant leurs plumes terrestres dans un élan grotesque. Didier Ambact, à la batterie, a déjà composé et joué pour , dans Mon amour notamment, en 2008, ou Ni cap, ni grand canyon, pour le , création 2009, et allié la danse buto au dub industriel ; tandis que Bruno Chevillon, à la contrebasse, créateur tout aussi talentueux et éclectique, apôtre du jazz libre, passionné de Pasolini, dont il mit les poèmes en musique, ayant déjà composé avec la danse, pour Face nord, se tournent vers l'intérieur, donnant à penser les sons.

Nous avons vu et cru à la possibilité de cette rencontre inédite, à une croisée de pointures entre la danse pure et le flamenco nouveau, mais le dialogue demeure cloisonné, intériorisé et un brin convenu, sec parfois comme un claqué de talon, cependant se donnent aussi quelques moments purs, tels des silences, où ça danse en creux, enfin.

Crédits photographiques : © Julien Benhamou

(Visited 908 times, 1 visits today)