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Mozart et Bruckner par Herbert Blomstedt, de l’intime au monumental

Pour son concert annuel face à l', affiche une science consommée de la direction passant, avec une magistrale dextérité, de l'intime du Concerto pour piano n° 23 de Mozart, au monumental de la Symphonie n° 4 d'. Une leçon de musique.

A plus de 92 ans, doyen actuel des chefs d'orchestre encore en activité, chaque apparition d' au pupitre est un événement musical en soi suffisant à remplir la grande salle de la Philharmonie. Ce soir, c'est à la tête de l' qu'officie le chef, dans un programme qui lui est coutumier associant, comme en 2018 dans cette même salle, Mozart et Bruckner.

Si le précédent concert avait débuté dans la douleur de la Symphonie n° 39, composée par un Mozart en pleine détresse, c'est en revanche dans la joie de son mariage, de ses succès opératiques et de son initiation récente que fut composé, en 1786, le célébrissime Concerto pour piano n° 23 qui ouvre la soirée, avec en soliste. Le premier mouvement Allegro met immédiatement en évidence, dès les premières notes, le cantabile, la fluidité du jeu et la souplesse du toucher du pianiste, dans un élégant dialogue mené avec un orchestre complice, à l'effectif réduit. Le durcissement du toucher dans la cadence laisse ensuite transparaître une inquiétude contenue qui donnera sa pleine mesure dans le déchirant Adagio, très intériorisé, douloureux plus que pathétique, bien soutenu par une petite harmonie de haute volée, conduite par la clarinette de Pascal Moraguè10s et le basson de . L'Allegro final suspend ensuite cette douloureuse cantilène pour lancer soliste et orchestre dans une cavalcade jubilatoire et parfaitement équilibrée entre piano et tutti. En bis, un Adagio d'une des dernières sonates de Joseph Haydn parachève la première partie.

On se souvient encore d'une éblouissante Huitième Salle Pleyel, tout comme de la magnifique Troisième donnée en ces lieux par le chef en 2018, il faudra désormais rajouter cette Symphonie n° 4 à cette mémorable collection tant l'interprétation qui nous est donnée ce soir est portée de bout en bout par un souffle et une tension continus, s'y affirmant définitivement comme le plus grand brucknérien du moment.

Dirigeant debout, sans partition, usant d'une gestique aussi limitée qu'efficace, le chef emporte la complète collaboration des musiciens dès l'appel de cor inaugural lancé par l'éblouissant Benoit de Barsony, préludant à un Allegro molto moderato envoûtant où se conjuguent intimement maîtrise totale de l'agogique et de la dynamique, fluidité du phrasé, transparence orchestrale et performances solistiques de haut niveau (lyrisme des cordes, justesse des cuivres, rondeur des bois) rassemblés dans un discours d'une rare cohérence. L'Andante quasi Allegretto fait la part belle aux sonorités graves des cors, des violoncelles et des altos. Plus mélancolique que véritablement funèbre cette marche est tout entière sous-tendue par une intense ferveur toute brucknérienne se concluant par un puissant choral cuivré. Le Scherzo, romantique par son inspiration sylvestre vaut à cette symphonie son qualificatif de « Romantique » se déroulant dans un climat fantastique peuplé de bruissements, de sonneries (cors, altos, trompettes, trombones) où l'on notera, encore une fois la précision de la mise en place et la richesse de l'orchestration, avant que le Final n'emporte définitivement l'adhésion dans une brillante péroraison où Herbert Blomstedt rassemble dans une magnifique synthèse orchestrale tout ce qui est épars dans le plus grand respect de la partition… Du grand art !

Crédits photographiques : Herbert Blomstedt © Martin Lengemann ; Bertrand Chamyou © Marco Borggreve

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