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Satan à la barre du Vaisseau fantôme d’Olivier Py

Quatre ans d'attente pour la parution du Vaisseau fantôme qu' mis en scène au Theater an der Wien en 2015. Il s'agit pourtant de l'une de ses meilleures réalisations.

Der Fliegende Holländer commença sa carrière pile au moment où s'achevait celle du Vaisseau fantôme (ou le Maudit des mers) de . Rappelons comment le jeune Wagner avait vendu l'argument de son futur opéra à Léon Pillet, directeur de l'Opéra de Paris, lequel, après l'avoir fait mettre en mots par Paul Foucher et Bénédict-Henri Révoil, le fit mettre en musique par son ami Dietsch. Choix funeste qui priva la France des débuts, dans la capitale, du futur géant de l'opéra. , dans la foulée de son enregistrement Naïve de 2013 (judicieuse parution qui confrontait les deux rivaux), répare cette injustice en dirigeant avec fougue les trois actes de la version originale de 1841, sans entracte et sans rédemption, du premier chef-d'œuvre wagnérien.

hypnotise une fois encore avec le pile et la face d'un décor qui donne à voir la proue des bateaux et la psyché des personnages (celle-ci culminant au II dans un invraisemblable enchevêtrement des espaces mentaux) mais aussi la mer (superbe envahissement marin d'une longue vague sombre au finale). Le noir, le blanc, la table de maquillage, l'ampoule, la craie, le crâne, la lune, les ombres chinoises, le mouvement perpétuel, la classe costumière de la « Weitz touch », … le vocabulaire scénique est familier mais il fonctionne à plein régime dans le ténébreux scénario de ce remuant voyage intérieur où Satan (premier corps perceptible du spectacle) conduit le bal. Les lumières dans la brume de percent avec génie la claire-voie de lattes de bois fuyant dans la perspective d'un dispositif aux allures de camera oscura. Quelques idées bienvenues (la mort solitaire de Senta dès l'Ouverture, Mary en Mädel du Steuermann, le traitement marchand du corps féminin, le couple Doppelgänger Holländer/Daland, des partitions plutôt que des rouets…) rajeunissent une vision spectaculaire (la levée de croix au sol pendant le Monologue du I, le Grand Huit de la fête du III) et désespérante où la quête de l'Erlösung achoppe sur le dessillement de l'Erwartung.

Quelques-uns des grands wagnériens du moment : après Bayreuth, le Hollandais ténébreux et léger de Samuel Youn, après Genève la Senta fiévreuse d'Ingela Brimberg, mais aussi de nouveaux (bien)venus : le Georg (futur Erik) follement romantique de (ex-Pilote de l'enregistrement Naïve), le Donald (futur Daland) grand format de . Un Steuermann gracieux () et une Mary bien présente (), un grandiose autant que prêt à tout, complètent l'excellent plateau réuni par le Theater an der Wien. Choyée par la caméra de François Roussillon, une version à ranger tout près du coup de maître d' (DVD DG) pour Bayreuth.

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