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Falstaff à Hambourg, Ambrogio Maestri en majesté

La mise en scène de a d'éminentes qualités illustratives, sans parvenir à constituer une véritable interprétation de l'œuvre.

L'Opéra de Hambourg a affiché Falstaff moins d'un an après sa création mondiale. C'était alors Gustav Mahler qui était dans la fosse : autant dire que la comédie qui clôt la carrière de Verdi y est prise au sérieux, à très juste titre.

C'est cette fois qui est chargé de la mise en scène, et il se montre efficace dans son sens du timing et dans son humour, pour montrer le Falstaff déconfit du début du troisième acte, pour faire rire de la maladresse de Ford ou pour dessiner les deux sbires de Falstaff. Il sait aussi émouvoir : quand Fenton et Nannetta chantent leur amour (Bocca baciata…), Falstaff les regarde par la fenêtre, hébété par l'alcool, et lui qui célèbre l'amour jouisseur se montre dans toute sa déchéance émotionnelle devant cette simple chaleur humaine qui ne lui est plus accessible. Mais Bieito ici ne parvient pas à trouver un véritable fil conducteur ; il passe franchement à côté de certaines scènes, comme la grotesque course-poursuite de la fin de l'acte II qui manque cruellement de force comique.

Les deux premiers actes montrent sous toutes ses coutures extérieures et intérieures la taverne The Boars Head, y compris chez M. et Mme Ford ; le troisième acte, lui, se passe sur une scène quasiment vide ; l'habileté du metteur en scène pour organiser les masses et dessiner clairement l'action est toujours remarquable, mais cette fin neutre est représentative de l'ensemble de la soirée : beaucoup d'humour, un sens fiable du geste et du timing, mais une sorte de refus du sens qui rend la soirée un peu vaine.

Au centre du spectacle, il y a . Rares sont les interprètes qui se confondent autant avec un rôle, et même si chaque inflexion de sa voix y est prévisible, l'incarnation est d'une force peu commune. Il ne fait pas plus à Hambourg qu'ailleurs le choix de la farce, et son Falstaff n'en est que plus irrésistible, parce qu'il prend ainsi toute sa dimension sans perdre son humanité, faiblesses comprises.

Autour de lui, la distribution réunit quelques invités à de nombreux membres de la troupe de l'Opéra de Hambourg. Les figures comiques des serviteurs de Falstaff et du Docteur Cajus sont d'une remarquable efficacité. , lui, vient de Berlin, et il fait mouche dans les différentes humeurs de son personnage : son Ford est un homme sérieux, et même ennuyeux, mais il n'en devient que plus comique à chaque fois qu'une situation nouvelle vient lui faire perdre pied – en termes de pure qualité vocale, il tutoie les mêmes sommets que Maestri.

La distribution féminine est moins homogène, ce qui est d'autant plus regrettable que ne se prive pas de souligner, à juste titre, les aspects féministes d'une œuvre où les hommes ne sont pas plus les héros que les moteurs de l'action. veut tellement donner du relief à son personnage qu'elle en perd tout sens lyrique et lui donne une véhémence inutile, qui contraste avec les deux interprètes plus effacées des rôles de Nannetta et Meg Page. Comme souvent, c'est Mrs. Quickly, chantée avec une voix saine et riche par Nadezhda Karyadina, qui l'emporte dans ce quatuor, sans chercher les effets comiques faciles. La mise en scène, c'est fort heureux, ne caricature pas son personnage.

La direction d' se distingue d'abord par son efficacité et sa capacité à toujours être moteur de l'action. Les grands ensembles bâtis par Verdi sont le point faible de la soirée, leur difficulté considérable ne justifiant pas le manque d'énergie et d'élan qui marque alors la scène et la fosse. C'est d'autant plus regrettable que, partout ailleurs, le soutien aux chanteurs et à l'action parvient à ne pas sacrifier la qualité musicale au théâtre.

Photos © Monika Rittershaus.

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