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L’intégrale des enregistrements de Robert Casadesus pour Columbia France

Le label britannique APR publie la totalité du legs Columbia France de

Il n'y a pas longtemps, nous saluions le coffret Robert Casadesus paru chez Sony Classical, renfermant l'intégrale de ses enregistrements pour la branche américaine du label Columbia. Cette fois-ci, c'est l'APR qui nous propose les gravures réalisées par Columbia France avant que Casadesus ne signe le contrat de l'autre côté de l'Océan Atlantique. La date de passage, 1939/1940, n'est pas accidentelle : le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale fait fuir aux États-Unis beaucoup d'artistes.

Sur le plan général, rien ne change dans l'approche du maître. Les onze sonates de de cet album nous donnent à apprécier la dextérité digitale, l'élégance et l'équilibre entre le raffinement et l'allant, qui caractérisent également les démonstrations postérieures de Casadesus. De la même façon, la lecture des œuvres pour piano seul de Mozart, Beethoven et Schubert combine simplicité et fluidité, tout en dévoilant une certaine promptitude qui rend le jeu du pianiste relativement spontané, agrémenté de petites surprises, concernant notamment des changements de tempo imprévus.

Pour la sélection des Études symphoniques de Robert Schumann, l'exécution laissée par Casadesus associe ardeur, profondeur et finesse. Tantôt contemplatif, tantôt héroïque, il garde toute la distinction de son toucher, s'autorisant quelques menues libertés agogiques qui confèrent à cette interprétation plus de vigueur et un aspect comme improvisé. Quant aux Ballades de Chopin, elles paraissent portées par l'élan, la fougue et l'acuité du mouvement, sans jamais perdre leur caractère narratif.

Concernant le répertoire français, ce coffret comporte, à côté des noms connus, des compositeurs introuvables dans la parution de Sony Classical, comme , ou . Parmi les plus connus, signalons le Quatuor avec piano en ut mineur op. 15 de Gabriel Fauré qui subjugue par l'ampleur de la respiration et par son intensité. La Sonate pour violoncelle et piano de Claude Debussy présentée avec , est de bout en bout chantante. Par moments, on y perçoit de la hâte, mais pas d'essoufflement. On admire avant tout l'archet souple et chaleureux de Maréchal, dégageant des graves charnus et des aigus incandescents, à l'instar de la Danse des petits nègres d'. L'interprétation de cette dernière œuvre, comme celle du Retour des muletiers de , révèle un sens parfait du rythme, de la fraîcheur et du charme. Pour finir, la Sonate pour flûte et piano de Casadesus lui-même, est une page qui dresse le pont entre le néoromantisme (les deux premiers mouvements) et le néoclassicisme (le finale). René Le Roy y impressionne par la densité de son souffle, la maîtrise du vibrato, l'agilité et la précision rythmique.

Dans les compositions pour piano et orchestre, citons d'abord Mon lac de Witkowski. Ce poème symphonique fut dédié à et créé par elle en 1921. C'est une œuvre qui combine habilement la légèreté des passages brillants et la gravité de quelques fragments soumis à un tempo lent. Sous la baguette de son auteur, et avec en soliste, la lecture en est tendue et assez agitée. Évocatrice sur le plan des ambiances qui émanent de l'accompagnement, elle ne manque ni de virtuosité, ni de panache.

Pour le Concerto pour piano n° 26 de Mozart, dirigé par , nous apprécions les subtilités toutes naturelles du dialogue entre la partie soliste et celle de l'accompagnement. Pour attirer notre attention sur l'aspect poétique de ces pages, les interprètes maintiennent un tempo raisonnable et évitent une lecture trop analytique qui nuirait à la continuité du discours.

Pour l'exécution du Concerto pour piano n° 24 de Mozart et du Konzertstück de Weber, s'avère un chef d'orchestre dont la direction fade semble peu sensible à l'expressivité flamboyante (quoique presque constamment « apollinienne ») du soliste. L'élégance des phrasés, l'articulation perlée de Casadesus, tout comme sa véhémence dans la cadence clôturant le premier mouvement ne suffisent pas pour mettre en exergue toute la beauté et la puissance émanant de ces musiques. Pour Mozart, on reviendra aux deux lectures fulgurantes signées Casadesus / Szell (Sony Classical et, pour celle de 1954, Profil Medien), tandis que que pour Weber, on préférera les versions Casadesus / Szell (Sony Classical et Profil Medien) et Casadesus / Rosbaud (SWR Classic).

Pour conclure, notons que les repiquages réalisés par rendent pleinement justice à ces enregistrements : les timbres semblent garder toute leur fraîcheur et leur profondeur originelles, et – à l'inverse des tendances d'aujourd'hui – le son n'apparaît pas tronqué aux extrémités.

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