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Rares et passionnants poèmes symphoniques de César Franck par Jean-Luc Tingaud

Après Bizet, d'Indy, Poulenc et Dukas, , à la tête du et des RCS Voices poursuit pour le label Naxos sa passionnante exploration de la musique française, avec ce nouvel album entièrement dévolu aux rares poèmes symphoniques de  : Le Chasseur maudit, Psyché et Les Éolides.

Étonnants par leur orchestration luxuriante, souvent sensuelle, faisant contraste avec la personnalité quelque peu austère du compositeur, les poèmes symphoniques de mettent l'accent sur sa maîtrise de l'orchestre, en même temps que sur ses talents de conteur et de coloriste.

Le poème symphonique (et moral) du Chasseur maudit (1882), d'après une ballade de Gottfried August Bürger (Der wilde Jäger), nous conte la malédiction dont est victime un chasseur qui enfreint l'observance religieuse du repos dominical, profanation qui le conduira en Enfer. Sur un phrasé très en relief et une dynamique tendue, et le RSNO en livrent une lecture quasi cinématographique suivant au plus près la dramaturgie. Débutant sur une paisible mélodie méditative où les percussions évoquant les cloches d'église dialoguent avec les cors et les violoncelles, le phrasé se renforce par de véhémentes fanfares de cuivres pour devenir de plus en plus inquiétant. Le tempo s'accélère, le discours s'enflamme scandé par les timbales, se charge de suspense jusqu'au climax et la chute terminale dans les abîmes de l'Enfer. Une magnifique interprétation qui n'est pas sans rappeler par certains traits ce que peut produire la Damnation de Faust de Berlioz.

Rarement donnée dans sa forme intégrale avec chœur, Psyché (1887) est, bien sûr, d'une toute autre envergure. S'appuyant sur la légende de Psyché et Éros, Franck n'en retient que leur rencontre. Comme dans le mythe d'Orphée, l'héroïne ne doit pas contempler le visage de son amant, mais elle désobéit et ne sera sauvée que par la clémence des dieux. Superbe partition, frémissante et voluptueuse, intensément expressive, débutant par une mélodie (sommeil de Psyché) d'un lyrisme capiteux et sensuel, soutenue par le timbre chaud et rond de la clarinette à laquelle fait suite (réveil de Psyché par les Zéphyrs) l'intervention de la flûte, des bois et de la harpe dans une dynamique délicate et plus allante. La partie centrale cristallise la rencontre avec Éros. Plus enflammée, cordes et vents y font étalage d'un lyrisme exacerbé et envoûtant jusqu'à l'extase finale (timbales). Le chœur s'y montre, hélas, un peu confus et les propos abscons (problème de diction ou de prise de son ?). La dernière partie affiche clairement des influences wagnériennes dans la cantilène « tristanesque » du hautbois et des vents, rappelant l'agonie de Tristan. C'est un moment de douleur et de déploration de plus en plus ardente, qui ne trouve sa résolution que dans la lumière du pardon où les deux amants se trouvent de nouveau réunis dans leur ascension céleste.

Ascendance wagnérienne également, bien que moins marquée, pour Les Éolides (1875), inspirées d'un poème de Leconte de Lisle. Priorité y est donnée aux vents dans cette évocation des brises éveillant la Nature. Impressionnistes par la narration, wagnériennes par la longueur du phrasé orchestral (cordes) et mendelssohniennes par l'orchestration ciselée (petite harmonie) Les Éolides ne manquent pas de charme ni de sensualité, bien que de facture assez classique (amplification et imitation canonique des thèmes répétés à l'envi).

Voilà bien un enregistrement remarquable par l'originalité de son programme comme par son interprétation qui laisse augurer du meilleur pour le prochain album du chef français avec la même phalange écossaise, pour le même label, mais consacré cette fois aux œuvres symphoniques de Massenet. À paraître en octobre.

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