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Mise en miroir de Sibelius et Tchaïkovski par Santtu-Matias Rouvali

Alors qu'il poursuit son intégrale Sibelius au disque pour le label alpha, le jeune chef finlandais , étoile montante de la direction d'orchestre, dirige le « Philhar » dans une mise en miroir des Symphonies n° 6 de Sibelius et de Tchaïkovski. Wires de , en création française, complète ce magnifique programme.

Issu de la fameuse école finlandaise de direction d'orchestre , actuellement directeur de l'Orchestre Symphonique de Göteborg et chef principal du Philharmonia Orchestra de Londres, mène depuis ses débuts en 2010 (avec le Philharmonique de Tampere) une fulgurante carrière jalonnée d'interprétations caractérisées par leur lyrisme et leur incandescence. Les retrouvailles entre le chef finlandais et la phalange de radio (leur première rencontre remonte à 2018 au Festival de Montpellier autour d'un Sacre du printemps très remarqué) confirment les affinités avec Sibelius, mais Tchaïkovski pâtit d'un évident manque de tension.

Chaque symphonie de Sibelius est un monde en soi, la Sixième, quelque peu mal aimée, tire son originalité de ses couleurs diaphanes, de la limpidité trompeuse de son chant, comme de ses harmonies modales ou de son instrumentarium laissant une large place à la harpe. Rouvali connait son Sibelius par cœur, trouvant dans l' un partenaire de choix pour nous livrer une interprétation tendue, ductile, riche en nuances, dans une lecture d'une rare cohérence, coulant à flot continu comme de « l'eau pure » sans omettre aucun détail. Très lyrique, le premier mouvement, Allegro molto moderato, se caractérise par allant naturel, par la clarté de sa polyphonie, précédant un Allegretto moderato chargé de poésie qui laisse une large place aux bois où l'on apprécie l'organisation millimétrée des différents plans sonores comme la ciselure des contrechants. Très enlevé le Poco Vivace fait office de scherzo dont la rigueur rythmique et le caractère épique (cordes lancinantes, petite harmonie tranchante, cuivres et timbales éloquents) impressionnent. Le Finale, lyrique et méditatif, laisse sourdre un dramatisme bien contenu avant une péroraison finale apaisée et sereine se résolvant dans un saisissant silence.

Dans une sorte d'intermède un peu curieux, propose la création française de sa pièce, Wires pour guitare électrique et orchestre. Composée en 2016, à la demande de l'Ensemble Intercontemporain, plus qu'un concerto, il s'agit en fait d'une symphonie de chambre avec guitare électrique obligée où l'instrument à cordes (wires, figurant nos différentes attaches) s'intègre aux sonorités étranges de l'orchestre comprenant force percussions, quelques bribes de vents, d'alto et de piano. Une œuvre d'une grande dextérité rythmique en quatre parties fondues conduite avec maestria par le chef finlandais, avec en soliste (lire notre entretien du compositeur).

En revanche, la Pathétique de Tchaïkovski déçoit par une interprétation trop hédoniste dont le phrasé tout en relief nuit à la continuité d'un discours, trop élégant, presque salonnard, qui apparait rapidement comme un exercice de direction et d'orchestre, sans profondeur, frôlant par instant le maniérisme, et s'opposant point par point à certaines lectures russes plus âpres et plus tendues. L'Adagio-Allegro initial annonce d'emblée la donne, plus enflammé que véritablement dramatique, l'Allegro con grazia très dansant parait trop monolithique sans un soupçon d'inquiétude, l'Allegro molto vivace, pourtant bien scandé rythmiquement, semble bien insipide, se résumant à une marche plus apollinienne que dionysiaque, sans force destructrice. Seul, le dernier mouvement, Adagio-Lamentoso, se charge (enfin, pourrait-on dire !) de déploration (cordes somptueuses) et de menaces (cuivres et timbales) dans un climat de dramatisme quasi religieux (violoncelles) évoquant une dernière prière avant l'exhalaison du dernier souffle… concluant de belle manière une interprétation en demi teinte.

Crédit photographique : © Marco Borggreve

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