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Manfred Honeck décevant dans la Neuvième de Beethoven

Pour clôturer les célébrations de l'année Beethoven, Reference Recordings publie cet enregistrement live de sa Symphonie n° 9, avec au pupitre du chef.

Pour l'Allegro ma non troppo, un poco maestoso, les accords dans le thème initial en ré mineur s'avèrent brusques, courts et précis, comme si Honeck souhaitait les marquer du sceau d'une lecture historiquement informée. Son récit commence par un tremblement de terre, qui stimule l'intérêt pour la suite. Le mouvement apparaît fluide et relativement rapide, privant cette prestation de son côté « majestueux », comme indiqué dans la partition. La répétition du thème principal se déroule dans un forte bruyant et sec, sans profondeur, pour lequel on aurait aimé percevoir plus de noblesse. Honeck joue sur des contrastes de tempo et de dynamiques nettement définis, nous faisant oublier les nuances intermédiaires ; livrant un discours en noir et blanc, il privilégie la mise en valeur des rythmes, sauf pour l'accelerando précédant la dernière reprise du thème, développé en une longue phrase empreinte de demi-teintes.

Dans le Molto vivace, Honeck donne la priorité à la vélocité du mouvement comme à la transparence des textures, retenant le brio et la spontanéité de ce morceau via des accents aussi forts que brefs, pleins de vigueur mais sans enthousiasme. À force d'impressionner par la virtuosité, il manque de chaleur et d'élégance.

Dans l'Adagio molto e cantabile, Honeck séduit par la douceur, baignant les atmosphères intimes de ce mouvement d'un voile de mélancolie. Bien que sa prestation soit exemplaire en matière de capacités techniques de l'orchestre (faisant preuve de phrasés d'une finition soignée, de rondeur des timbres comme de clarté des lignes…), elle ne révèle pas le potentiel émotionnel habitant cette composition. En effet, Honeck semble avoir peur d'être lui-même, d'enlever le masque qui lui empêche de se rapprocher de la part d'humanité de l'œuvre de Beethoven.

Pour le Finale, continue à associer des éléments romantiques (comme la souplesse du mouvement) et classiques (rigueur rythmique, brièveté et sècheresse des accords), comme s'il n'était pas certain de l'orientation de son interprétation. Il fait retentir le récitatif des violoncelles et des contrebasses avec ampleur et rhétorique, juste après il le ponctue d'une intervention violente, voire agressive des cuivres. Si la plasticité des contours est au rendez-vous, on se perd dans le dédale des idées que le chef essaie de nous communiquer. Pour les solistes, on salue la puissance comme l'éloquence de leur voix, ainsi que l'harmonie qu'ils ont ensemble, avec cette réserve qu'on aurait voulu entendre un peu plus de fraîcheur dans leur émission, exception faite pour la soprano , subjuguant par des aigus cristallins. Concernant l'apport des chanteurs du , nous les félicitons pour leur palette de couleurs vibrantes et épurées, leur engagement et leur franchise, mais restons sur notre faim quant à leur expression, trop directe, même par instants criarde.

, l'« Artiste de l'année » des International Classical Music Awards 2018, est un musicien qui depuis une décennie, attire l'attention à chaque nouveau disque, dont la plupart sont d'un très haut niveau interprétatif, notamment sa Neuvième de Bruckner, galvanisante. Cependant, en 2020, notre enthousiasme s'est refroidi après l'écoute de sa Quatrième de Tchaïkovski, trop prosaïque. Avec cette gravure de l'ultime symphonie de Beethoven, l'ambiance enchanteresse des concerts publics s'évapore. Honeck confirme être un solide bâtisseur de l'orchestre et un habile technicien, plus artisan ingénieux qu'interprète transcendant les émotions. Serait-ce une conséquence fâcheuse du montage réalisé à l'étape de production de cet album ou bien la lassitude causée par une coopération avec l'ensemble qui remonte à 2006 ? Le temps nous le dira.

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