- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Maki Namekawa révèle la Sonate pour piano de Philip Glass

a créé en juillet 2019 à Essen la première Sonate pour piano de , commandée par le Klavier-Festival de la Ruhr, l'Ars Electronica Festival de Linz et la Philharmonie de Paris. Une interprétation aujourd'hui disponible chez Orange Mountain Music.

« Si on doit se souvenir de moi pour quelque chose, ce sera pour ma musique pour piano, parce que tout le monde peut la jouer. » Audacieuse déclaration, à 84 ans passés, de la part d'un homme qui a composé 25 opéras, 13 symphonies, 13 concertos et 8 quatuors à cordes (sans compter les ballets, et nombre de musiques de films marquantes). Ces mots, qui ne surprendront pas ceux qui se sont immergés dans l'addiction exercée par le corpus pianistique des 20 Études, dissimulent de fait l'humilité lucide du compositeur juge de son art. Un art qui parle aujourd'hui au Nouveau Monde comme au Vieux Continent. Un art dont on a suivi la touchante élaboration sur un demi-siècle. Un art dont la sophistication repose depuis toujours sur des fondations (apparente simplicité, aspiration mélodique) qui ont engendré aussi bien le minimalisme forcené d'Einstein on the beach (les années 70), les incantations hypnotiques d'Akhnaten (les années 80), le lyrisme poulencien (la très incarnée Trilogie Cocteau) des années 90, que la poignée d'opéras plus « traditionnels » qui ont suivi.

« Je n'ai pas écrit cette pièce auparavant », affirme le plus sérieusement du monde le compositeur américain devant cette Sonate pour piano qu'il regarde lui-même avec la stupeur du premier homme. « Cette pièce est non seulement originale, elle est originale pour moi. » Que les thuriféraires se rassurent : l'on trouve bien quelques balises familières comme la mélodieuse conclusion du premier mouvement qui semble s'interdire de réutiliser le thème obsédant de The Truman Show, déjà abondamment décliné dans les Études 8 et 17. Cette sonate est effectivement représentative de la période la plus récente d'un style qui semble dire progressivement adieu à ses propres fondamentaux, lesquels ne surgissent dorénavant plus que par bribes. Coulant aujourd'hui de source, cette sonate a dû être apprivoisée par . Bien qu'ayant signé la version de référence des 20 Études, elle a mis du temps à saisir le caractère d'une musique partant dans tous les sens, où main droite et main gauche affirmaient deux personnalités différentes. Le livret qui accompagne le disque indique le nécessaire compagnonnage du compositeur et de son interprète durant les mois qui ont précédé la création.

et (autre grand interprète de la musique de Glass) ont créé Four Mouvements for Two Pianos, puis, avec les sœurs Labèque, Two Mouvements for Four Pianos. Pétillant alliage de virtuosité empathique et de précision digitale, Maki Namekawa est bien sûr l'interprète idéale de cette nouvelle partition d'une petite demi-heure, lourde de silences, dont les doutes et les questionnements, presque levés par la volubilité terrienne de son troisième mouvement, reviennent hanter la conclusion. On retrouve par-delà le son velouté du piano, le toucher sensible qui magnifiait son intégrale des 20 Études, dont elle propose une nouvelle interprétation de la Vingtième, déchirant Adieu à la Terre venant sceller la cohérence de ce beau disque.

Entre-temps, on aura découvert Distant Figure, A Passacaglia for solo piano de 2017, émouvante élégie de 13 minutes, écho, par-delà les décennies, du Mad Rush de 1981, d'une durée similaire. Regrettons cependant qu'Orange Mountain Music n'ait pas cru bon de profiter du minutage un peu chiche de cette nouvelle parution glassienne pour donner accès à un autre petit quart d'heure : celui du sublime et trop rare Dreaming Awake de 2003.

(Visited 1 023 times, 1 visits today)