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Parle, chante et respire avec Barbara Strozzi

Cherchant à se singulariser pour leur entrée dans l'univers du disque, l', créé par la soprano l'année dernière, choisit une figure emblématique du XVIIᵉ siècle : la compositrice qu'il fait dialoguer avec la poésie d'Erri De Luca.

« Parla, canta, respira » Au premier abord, on pourrait imaginer que les poèmes d'Erri de Luca déclamés par Peter De Laurentiis tout au long du disque, le chant suave de la soprano , et l'atmosphère sereine des instruments de l', matérialisent le titre de ce disque.

À l'inverse de l'affirmation de la directrice artistique dans la notice d'accompagnement, qui souhaite « donner une voix à cette compositrice », on ne peut pas dire que l'écriture musicale de la vénitienne nous soit inconnue. Des ensembles de premier ordre comme La Capella Mediterranea s'y sont intéressés, dont la sélection peut faire l'objet d'une comparaison avec la proposition du jeune ensemble (Silentio nocivo, L'Amante modesto par exemple), ou encore sur une scène lyrique avec Le Cercle de l'Harmonie, ou plus récemment l'ensemble Il Pomo d'oro pour Erato en 2019 autour de la soprano Emöke Barath, Stéphanie d'Oustrac s'y étant essayé en 2011. Plusieurs festivals autour d'une thématique « féminine » (ou non !) ont su aussi lui faire une place belle dans leur programmation (Clef ResMusica pour Ambronay), assurant ainsi une forte renommée de cette artiste encore aujourd'hui, qui fut d'ailleurs fêtée en 2019, 400 ans après sa naissance.

L' propose une adaptation de seize pièces, extraites des huit volumes de madrigaux publiés entre 1644 et 1664, initialement écrites pour voix et basse continue. L'instrumentation est délicate, riche d'une harpe, d'un lirone, de violes de gambe, d'un violon, d'un orgue, d'un cornet à bouquin, de saqueboutes et d'un basson. Dommage que l'ensemble Le Stelle, né en 2020, ne soit pas mieux présenté dans la notice, tout comme la démarche interprétative de ces jeunes musiciens, un bref paragraphe étant seulement rédigé dans le livret de présentation. Ceux-ci sont pourtant l'une des composantes essentielles de la valeur de ce disque : la variété de leur timbre et la multiplicité de leur combinaison renouvelant l'écoute de l'auditeur dans une approche inspirée. Le livret aurait mérité d'être mieux travaillé, à l'image du visuel nuancé et gracieux de la pochette, notamment par une meilleure traduction des textes qui sont centraux dans cette démarche artistique.

On y apprend toutefois que « parla, canta, respira » signifierait plutôt le travail sur la vocalité des parties instrumentales. En effet, la Conclusione dell'opera op. 1 n° 25 affirme particulièrement cette démarche par des articulations soignées, un phrasé élégant et des accents toniques des instruments. Trois autres partitions instrumentales sont interprétées dans ce disque, ponctuant de façon équilibrée une voix de soprano très présente.

On comprend le dialogue des mots, entre ceux mis en musique au XVIIᵉ siècle, et ceux du poète contemporain Erri De Luca. Présenté comme un autre contrepoint à celui qui alimente l'art de composition de , agrémentant la démarche par un dialogue de voix masculine et féminine, l'entreprise semble finalement décorative, même si elle ne freine pas l'écoute continue de l'auditeur, chaque poème ne dépassant pas la minute de récitation.

Le soprano de , initiatrice de ce projet et créatrice de l'ensemble Le Stelle, déploie avec assurance un sens mélodique de la compositrice tout à fait remarquable, portée par une découverte « intuitive et sensorielle », mais surtout par une sensibilité profonde envers les mots. La fraicheur du timbre installe une intimité légère, dénaturée par une réverbération trop présente dans la prise de son, qui met maladroitement en lumière les aigus solides de la chanteuse. La sensualité du chant est dépeinte selon la délicatesse de l'amour courtois, Lise Viricel maniant l'expressivité d'un chant pur avec nuance et élégance.

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