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Deuxième Biennale Pierre Boulez à la Philharmonie de Paris

Initialement prévue en janvier, la 2e Biennale de la Philharmonie de Paris aura finalement eu lieu fin juin, avec, le dernier soir, de superbes Structures pour deux pianos au Studio, puis Anthèmes 2 et Répons par l' à la Cité de la Musique.

L'œuvre unique prévue au Studio de la Philharmonie en début de soirée ne dure qu'à peine vingt minutes, mais le programme est fait pour plus d'une heure, car après une première interprétation du livre I des Structures, les deux pianistes répondent au micro de François Meïmoun, qui présente ensuite la pièce avant que celle-ci ne soit réinterprétée.

Assis à gauche, lance de son piano la première série, récupérée par en face de lui, puisque Structures livre tout un jeu de ruptures autours de séries tirées de Messiaen, créateur avec Boulez de la première version de l'œuvre en 1952. Ces séries ne sont jamais exposées en entier par un seul piano, mais toujours par les deux. Parfaitement préparés, les deux jeunes artistes démontrent leur rigueur en même temps qu'une véritable agilité à suivre les nuances et accentuations écrites pour chaque note et chaque mesure. Ils s'échangent les notes au grès des séries, dans cette partition toujours aux extrêmes, qui déploie l'intégralité de la palette de l'instrument, par les registres les plus graves et plus aigus et par les minimums et maximums d'intensité et de durée recherchés. L'introduction de la deuxième interprétation montre que de Williencourt, sans doute partiellement inspiré par les extraits de partitions présentés par François Meïmoun, peut proposer encore plus de contraste qu'à la première approche en appuyant plus fortement le ffff ou en attaquant avec encore plus de netteté.

deux heures plus tard retrouve à la Cité de la Musique l'assistance acoustique d', avec lequel elle a préparé la création d'Anthèmes 2 dans cette inédite version pour alto et électronique, tandis qu'elle avait déjà créé la version pour alto solo en 2006 à Avignon, à l'époque en proche collaboration avec lui-même. Au milieu de la salle, pour l'occasion modulée avec la scène au centre et le public tout autour, joue les dix parties de l'œuvre en tournant sur elle-même pour lire sur dix pupitres différents, tandis qu'un micro sur son instrument permet d'adapter une partie de ses notes et de les relancer dans la salle. Certains passages pourraient presque être développés de la même manière avec d'autres instruments placés autour d'elle, et font parfois penser à de la musique en quatuor, tandis que de nombreux jeux d'échos générés par l'assistance informatique d'Andrew Gerzso, de l'Ircam, permettent de trouver la seule solution pour arriver au résultat souhaité par le compositeur.

Ensuite, Répons trouve sous la battue de moins de netteté et des accords moins francs que ceux de l'altiste seule dans Anthèmes 2. Mais si l'actuel directeur musical de l' utilise un style plus germanique, avec des attaques souvent plus grasses que celles recherchées par Boulez, il coordonne et concilie de manière assez idéale la liberté des six solistes sur les balcons et l'ensemble de musiciens sur scène. Très intéressé par le piano préparé de Cage à l'époque des Structures, Boulez n'avait jamais choisi cette possibilité parce qu'il en trouvait le rendu trop hasardeux. Il trouvera trois décennies plus tard la solution à ces modulations grâce à la rigueur de l'électronique, puis du numérique, pour arriver à Répons.

Le style d'écriture a gagné en maturité, mais garde encore un incroyable foisonnement en même temps qu'une certaine aridité et un jeu sur le silence particulièrement subtil. Avec une partie de l'équipe de l' déjà présente pour le mythique enregistrement de l'œuvre en 1996 pour Deutsche Grammophon, dont Dimitri Vassilakis est seul rescapé en 2021 parmi les six solistes, cette interprétation redonne vie à une musique qu'il faudrait programmer bien plus souvent lors de concerts classiques.

Crédits photographiques : © Quentin Chevrier/EIC

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