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À Toulouse, la symphonie imaginaire des Musiciens du Louvre

C'est une soirée tournée vers la fougue de Rameau que ont offerte aux spectateurs toulousains pour un second volet de leur « Nouvelle symphonie avec Voix ».


La nouvelle année fut riche pour l'ensemble baroque grenoblois : une nouvelle présidence en la personne de l'ancien ministre Bernard Cazeneuve ; l'arrivée de l'ancien directeur général du Festival de La Chaise Dieu, Julien Caron, comme délégué général ; et (surtout) le retour de son fondateur après une aventure bordelaise haute en couleurs… De la même manière, le deuxième volume de la « Symphonie imaginaire » de Rameau découvert à La Chaise Dieu l'été dernier, est en train de mener une tournée prestigieuse : du Festpielhaus de Baden Baden aux dorures de l'Opéra Royal de Versailles, de la Ville rose à la Place rouge. Avant de décoller pour Moscou dès le lendemain, c'est une soirée musicale pleine de vie et de contrastes qu'offrent à la Halle aux Grains.

Élaborée par le musicologue Ivan Alexandre, la « Nouvelle symphonie avec voix » mêle des extraits instrumentaux de huit grandes œuvres lyriques de , la voix ponctuant le discours musical comme c'est le cas pour certaines symphonies de Mahler ou pour la Neuvième de Beethoven. Cette voix, c'est celle du baryton , particulièrement convaincant par le biais d'une personnalité musicale pleine de vigueur et de vérité, ses interventions allant d'un extrême à l'autre : du drolatique Orcan dans l'air des Paladins « Je puis donc me venger moi-même » agrémenté du rire du public au regard de la performance de son interprète, à l'autorité incarnée et vibrante d'Anténor avec l'air célèbre « Voici les tristes lieux… Monstre affreux… Quel bruit ! » extrait de Dardanus.

Mais la symphonie imaginaire défendue par , c'est d'abord la performance des instrumentistes. Les premiers à se détacher dès l'ouverture de Castor & Pollux, sont les fortes personnalités des trois bassonistes. Leur ligne mélodique enlevée et leurs accents francs et incisifs se regardent tout autant qu'ils s'écoutent (un spectacle à eux tous seuls !) ; leur virtuosité mordante et éclatante justifie à leur égard des applaudissements chaleureux en fin de soirée. Naturellement, en intégrant des extraits d'Acanthe et Céphise ou La Sympathie (Ouverture, Rigaudons et l'entrée des chasseurs et des chasseresses), c'est le timbre gracieux des clarinettes qui est mis en lumière, celles-ci intégrant l'orchestre français pour la première fois sous l'écriture de Rameau. L'air tendre en rondeau de Zoroastre permet à la flûte d'exprimer sa légèreté et son élégance, alors que le piccolo plein d'humour à l'entrée des troubadours des Paladins s'accompagne de deux cornistes habilement précis. Enfin, la rigueur des percussions de David Dewaste se déploie dans l'air pour les esclaves africains des Indes Galantes.

Prenant la parole à chaque fin d'« épisode » (au nombre de trois) pour accompagner l'écoute des spectateurs, sait mener une belle rondeur des cordes et des bois incisifs en faveur de contrastes multiples et saisissants, dans un tempo enlevé pour une interprétation pleine de vie et de tempérament. Le kaléidoscope ramiste de la programmation musicale alimente ces effets dynamiques, l'air tendre en rondeau de Zoroastre étant enchainé avec l'entrée très gaie des troubadours des Paladins, tout comme l'air de musette de La Naissance d'Osiris contrastant avec l'air d'Anténor de Dardanus. Toutes ces composantes placent l'oreille en alerte à chaque mesure, jusqu'au trois bis saluant le succès de ce concert (« Monstre affreux » extrait de Dardanus ; l'air des sauvages des Indes Galantes ; et l'entrée de Polymnie des Boréades), illuminant l'art compositionnel de Rameau de toute sa lumière.

Crédits photographiques : © Les Musiciens du Louvre

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