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Phryné de Saint-Saëns, à redécouvrir

Saint-Saëns, compositeur d'opérettes ? Distribution de grande classe pour un ouvrage à redécouvrir de toute urgence. Le centenaire de la mort de Saint-Saëns aura décidément beaucoup contribué à la gloire du grand compositeur français.

Après Le Timbre d'Argent, Clef d'Or ResMusica en 2020, c'est l'opéra-comique Phryné que nous propose aujourd'hui le label Bru Zane. L'ouvrage a également fait l'objet de concerts donnés l'été dernier, à l'issue du présent enregistrement.

On ne saurait dire suffisamment le plaisir esthétique et intellectuel que procurent à chaque fois ces admirables livres-disques rédigés par les meilleurs spécialistes de la question, toujours formidablement contextualisés et superbement présentés. Le plumage, comme d'habitude, se rapporte au ramage, et tous ceux qui ne connaissaient pas l'ancienne version discographique de la mise en musique des frasques et aventures de la célèbre hétaïre grecque, celle autrefois dirigée par Jules Gressier, découvriront avec curiosité et intérêt un ouvrage vif et enjoué, empreint de la plus fine ironie, savamment construit et richement orchestré. Les passionnants articles qui accompagnent l'enregistrement feront apprécier la place de Phryné dans l'environnement wagnérien de son époque, ainsi que l'engouement pour l'Antiquité qui avait marqué les compositeurs français du tournant du siècle. Ils apporteront également un éclairage nuancé sur les contextes esthétiques de l'ouvrage et notamment sur le genre particulier de Phryné, davantage opéra-comique qu'opérette, même si certains passages – on pense à l'ensemble vocal « Dicéphile est un fripon » sur lequel se clôt le premier acte – ne dépareraient pas les pièces d'Offenbach la plus débridées. Que cet ouvrage autrefois extrêmement populaire soit à un moment tombé dans l'oubli fait partie de ces inexplicables mystères de l'histoire de la musique, et il était grand temps d'y remédier.

La distribution réunie pour cet enregistrement est de la meilleure tenue, même si certains artistes ne feront pas tout à fait oublier les chanteurs de la version de 1960. , ainsi, toujours bien chantant, ne possède pas tout à fait dans le rôle du ridicule archonte Dicéphile, la dimension comique de son prédécesseur André Vessières, impeccable de ton, d'ironie et de second degré avec Jules Gressier. Certains préfèreront également l'abattage et l'énergie de Denise Duval, bien meilleure vocaliste qu'on ne le dit généralement, mais le charme, l'envoutement et la facilité vocale de sont de très sérieux atouts également. On doute néanmoins qu'ils puissent donner une idée de ce que fut à la création la prestation de la grande Sybil Sanderson, future créatrice de la Thaïs de Massenet. En Nicias, n'a aucun mal à surclasser, par son exquise musicalité et par la joliesse de son timbre, la voix quelque peu nasillarde de Michel Hamel, même si ce dernier est lui aussi, dans la bonne vieille tradition des ténors d'opérette à la française, un véritable modèle de diction. Excellentes prestations d', et . dirige de manière impeccable le chœur de son Concert Spirituel, ainsi que l'Orchestre de l'Opéra de Rouen Normandie. Soucieux de soigner la subtile instrumentation de Saint-Saëns, ainsi que les beautés de l'architecture musicale, il gomme peut-être la dimension comique de l'ouvrage, dont les liens avec l'opérette française sont plus perceptibles dans la version de Jules Gressier. En dépit de ces quelques menues réserves, on aura compris qu'il s'agit d'une nouvelle contribution majeure à la redécouverte du répertoire comique français de la fin du XIXᵉ siècle.

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