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The Rake’s Progress tente le diable à Rennes

Dans une nouvelle production soignée de , The Rake's Progress de Stravinsky trouve à Rennes une équipe musicale impliquée, portée par et .


Sans les confinements, l'année dernière aurait dû permettre de commémorer les cinquante ans de la mort d' et voir réapparaître un nombre conséquent de productions de son opéra The Rake's Progress, toujours programmé chaque saison sur quelques scènes dans le monde. En 2022, avant la reprise de la production du Met en juin, c'est à l'Opéra de Rennes, en collaboration avec ceux de Nantes et Angers, que revient l'ouvrage vu ces dernières années en France à Nice et Aix-en-Provence.

a été convié pour cette nouvelle proposition scénique et présente un travail bien pensé, sans pour autant se focaliser sur les thèmes religieux du livret, construit initialement à partir de huit tableaux londoniens du XVIIIe de William Hogarth. Il utilise toutes les possibilités de la salle en intégrant régulièrement les chanteurs et le chœur sur les balcons et au parterre, ce dès l'introduction, où le rêveur Tom Rakewell de rentre hagard en pyjama. Puis les lumières s'éteignent quasi totalement – on apprendra par la suite que cet effet n'était pas souhaité, bien que parfaitement géré par les musiciens – laissant apparaitre ensuite la belle Anne Trulove d'. Émouvante dès sa première intervention, pendant laquelle elle plante des roses dans le sol, la chanteuse se montre très à l'aise dans cette tessiture de soprano lyrique pour ce rôle créé à la demande du compositeur par Elisabeth Schwarzkopf.

Touchante jusqu'à la scène finale, elle tient magnifiquement son grand air No word from Tom…Quietly night, accompagnée soigneusement par la fosse, et s'accordant parfaitement à , lui même très impliqué pour porter le naïf Tom Rakewell. Vigoureux avec un chant dont le timbre sait s'assombrir lors des scènes les plus noires, le ténor s'oppose à la voix plus grave et plus énergique du Nick Shadow de . Il évolue dès le début sous des lumières (Lionel Spycher) adaptées à un unique décor (Chantal de la Coste), structure imposante constituée de six blocs qui rappellent autant de vieilles télévisions, sur lesquelles sont projetées des photos – à l'instar de montages où Tom est entouré de personnalités tels Hitchcock ou la Reine d'Angleterre -, et des vidéos (Florent Fouquet), toujours ajustées pour dynamiser l'action. La scénographie cherche à rappeler l'époque de composition de l'œuvre – les années 50 américaines – avec une mise en avant de la laideur de Baba la Turque, la femme à barbe. Rôle dans lequel Laure Ugolin parvient toutefois à ravir grâce à un timbre coloré et un chant bien contrasté dans le médium, notamment lors de son aria à l'acte II.

projette de son fauteuil roulant un excellent Trulove, le père d'Anne, tandis que la distribution profite également des couleurs moirées de la contralto en Mother Goose, ainsi que de la diction anglaise précise de Christopher Lemmings pour le commissaire-priseur Sellem. Le Keeper de complète un chant tout aussi vaillamment porté par le préparé par Gildas Pungier. En fosse, le directeur musical de l'Orchestre de Bretagne confirme son grand intérêt pour cet opéra néoclassique de Stravinsky, une affinité déjà évoquée avec nous qu'il réitère à présent tant dans le programme de salle que par sa direction, lente mais toujours concentrée à faire ressortir les finesses d'une partition moins accessible que les grands ballets du compositeur. Il développe la progression du libertin jusqu'à sa folie, aidé par les beaux soli du premier hautbois et de la trompette solo, ainsi que par les clavecins pour les récitatifs.

Crédits photographiques : © Laurent Guizard

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