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Matthias Goerne décevant face à un National exemplaire

Dans un intéressant programme germanique, original et éclectique, peine à convaincre dans les Wesendonck-lieder de Wagner, tandis que Christian Măcelaru, à la tête de l', remporte tous les suffrages dans la Passacaille de Webern et la Symphonie n° 4 de Schubert.

Si la Sérénade pour vents de qui ouvre la soirée s'inscrit dans la lignée de la Gran Partita de Mozart, elle n'en a assurément pas la grâce, ni le génie. Œuvre de jeunesse, composée en 1881 à l'âge de 17 ans, elle témoigne indiscutablement d'une science précoce de l'orchestration avec une écriture parfaitement adaptée à chaque instrument, mais elle pêche par l'étalage de sonorités denses, peut être trop denses pour emporter une totale adhésion malgré la belle qualité des solistes (Michel Moragues à la flûte, Thomas Hutchinson au hautbois, Carlo Fereira à la clarinette, Hervé Joulain au cor pour n'en citer que quelques-uns…).

Alors qu'il a enregistré récemment la version pour piano et voix des Wesendonck-lieder avec Seong-Jin Cho pour DG, remet, une fois encore l'ouvrage sur le métier, en s'appuyant sur la version orchestrale pour contralto due à Hans Werner Henze (1976), avec un résultat qui peine à convaincre du fait d'une interprétation par trop opératique manquant d'intériorité, de poésie, de sensualité et d'élégance où l'on se surprend curieusement à s'intéresser plus à l'orchestration nouvelle qu'à la voix du baryton allemand…Der Engel surprend par des graves mal assurés, parfois détimbrés et par une ligne de chant qui manque de continuité. Même si Stehe still séduit par ses aigus filés très émouvants, soutenus par un sublime legato, Im Treibhaus, Schmerzen et Träume pâtissent d'une emphase qui sied mal au genre du lied et qui oblitère les effluves enivrantes, intimes et sensuelles de l'amour interdit entre Richard et Mathilde, une passion qui ne trouvera sa résolution ultime et sublimée que dans les accents hypnotiques du duo entre Tristan et Isolde quelques années plus tard.

Plus convaincante la seconde partie fait la part belle à la phalange parisienne avec la rare Passacaille d'. Premier opus atonal du compositeur viennois dont Christian Măcelaru et le National nous offrent une belle interprétation, claire et épurée, qui recrute toutes les forces (petite harmonie, cordes, harpe) et couleurs orchestrales dans une lecture à la fois analytique (alchimie des timbres) et globale faite de variations, de silences, de crescendos furieux et d'épisodes mystérieux d'un lyrisme lancinant.

La Symphonie n° 4 de apporte la touche finale à ce beau concert. Là encore Christian Măcelaru, nous livre une interprétation irréprochable et pleine d'allant servie par un National des grands soirs ! Le premier mouvement lorgne vers Mozart par son phrasé très théâtral et son cantabile souverain ; l'Andante installe un climat typiquement schubertien, intime et lyrique où se distinguent tout particulièrement la petite harmonie (hautbois, clarinette) mais aussi les cordes dans un éloquent et gracieux dialogue entre violon et violoncelle ; le Menuetto de style presque galant précède un Allegro frénétique, chargé d'attente et de drame qui conduit sur un phrasé conquérant (attaques tranchantes des cordes) à une coda triomphale.

Crédit photographique : © Christophe Abramowitz

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