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Clôture du Week-end Xenakis avec Les Siècles et Roth à la Philharmonie

En clôture du week-end dédié à , l'ensemble Les Siècles et son directeur musical déploient la trop rare Alax du compositeur né cent ans plus tôt, avant de mettre en regard cette pièce avec deux œuvres de Stravinsky.


Créé en 1985 à Köln par Ernest Bour -l'enregistrement existe -, Alax poursuit les recherches de Xenakis autour du traitement des textures et de la spatialisation du son. L'ouvrage impose trois groupes de dix musiciens tous identiques, à la structure des percussions près, avec au côté du percussionniste une harpe, une flûte, une clarinette, deux cors, un trombone, deux violoncelles et un violon. Ces groupes doivent être disposés sur un plan en triangle équilatéral, avec une tolérance de la part du compositeur pour les mettre en ligne dans le cas d'une scène de face dans une grande salle de concert.

Étonnamment, l'effectif n'est pas tout à fait respecté ce dimanche, puisque chaque groupe comprend non pas dix, mais onze musiciens, avec pour chacun trois cors et non deux. Plus surprenant encore, c'est à la Philharmonie qu'est proposé cette pièce par Les Siècles et , là où la Cité de la Musique semblait mieux adaptée. L'œuvre n'est alors pas immersive pour le public, comme elle aurait pu l'être si celui-ci avait été placé au milieu du triangle formé par les groupes, mais n'en reste pas moins très bien développée par les musiciens sur scène. Rigoureux dès l'introduction par sa précision pour bien coordonner les glissandi stridents des cordes dans chaque groupe, Roth déploie ensuite toute la matière d'une composition animale, notamment lorsque les percussionnistes frappent vigoureusement les peaux des tambours et des tam-tams. Pour le reste, les recherches très techniques d'étagement des hauteurs par Xenakis trouvent sous cette interprétation une pleine concentration, parfaitement gérée par les musiciens des Siècles.

Passé un long changement de plateau, l'orchestre revient en formation plus conventionnelle pour accompagner dans le Concerto pour violon d'. Écrit pour Samuel Dushkin en 1931 alors que l'artiste est dans le sud de la France, l'ouvrage est déjà de la période néoclassique du compositeur et lorgne du côté de Bach pour ses quatre mouvements. La Toccata liminaire introduit l'accord qui servira à toute la partition ensuite, et met déjà en avant la netteté et la finesse du jeu de la violoniste. Les Siècles répondent avec résolution par des sonorités de la même qualité, à commencer par celles du basson, lors de son échange avec le violon. Les cuivres et les flûtes s'accordent par la suite à la compagnie de Faust, aussi subtile à l'Aria I, qu'elle rend d'un geste profond, tandis que les bassons interviennent avec le même équilibre, toujours parfaitement maintenus par Roth.

L'Aria II puis le Capriccio suivent la même qualité de prestation, puis après quelques allers-retours en coulisse aux saluts, propose un bis particulièrement adapté, puisqu'il s'agît d'une œuvre à nouveau créée par Dushkin : la Pastorale pour vents et violon de 1933. Quatre bois la rejoignent alors sur le devant de la scène afin d'interpréter cette jolie pièce de trois minutes, développée encore par le violon sous les contrepoints ajustés du basson. Comme en 2009 avec l'EIC, Roth aime mettre en regard Xenakis et Stravinsky, même s'il est regrettable pour ce week-end dédié au premier qu'il ait choisi une seule œuvre de lui et deux du second. C'est donc avec l'un des grands ballets, le premier de la trilogie russe, L'Oiseau de Feu, présenté ici dans la suite de 1945, que s'achève le week-end Xenakis.

Supérieure à celle de 1919 car plus longue et mieux construite, la Suite de 1945 bénéficie déjà de l'orchestration plus chambriste de la précédente par rapport au ballet initial et à la Suite de 1910. Elle s'adapte alors parfaitement aux Siècles, et se voit traitée d'un geste toujours précis en même temps que très attentif par leur directeur musical, dans une lecture qui n'est pas sans rappeler leur enregistrement du ballet intégral dix ans plus tôt. L'Introduction tout en gravité se déploie vers la Danse, où l'on profite des bois français, comme encore au Pas de Deux, langoureux à l'instar du Rondo ensuite, tandis que le Scherzo entre les deux apporte plus de dynamique, encore accrue avec une Danse infernale impressionnante par la franchise des attaques de la formation. La Berceuse (Lullaby) repose le climat et recrée l'atmosphère pensive et évanescente déjà superbement traitée auparavant, portée de manière toujours concentrée par Roth jusqu'à l'arrivé du somptueux Finale.

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