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Thaïs au TCE : une composition vocale magistrale

Thaïs n'est assurément pas l'opéra le plus représenté de . Toutefois, les possibilités expressives des rôles principaux et les contrastes orchestraux au long de l'œuvre font regretter qu'on ne l'entende pas plus régulièrement.


Dans cette soirée en version de concert, il n'y a pas besoin de mise en scène pour se figurer la magnificence d'Alexandrie ou l'aridité du désert, car tout est illustré musicalement. Le livret peut sembler parfois daté et ancré dans des préoccupations peu contemporaines. Mais le jeu d'une représentation est d'emmener loin de là où le spectateur a ses habitudes, la gageure étant évidemment supplémentaire sans représentation visuelle.

Le pari est remporté haut la main par le soprano , qui est une Thaïs de composition. D'essence lyrique, son timbre manque un peu de corps dans le premier acte où le bas médium est sollicité mais l'échauffement progressif de la voix au cours de la soirée et un rôle déjà très habité sont les ingrédients d'une composition vocale stupéfiante. Arrivant sur scène dans une splendide robe en strass doré, puis évoluant dans une sculpturale robe austèrement grise en deuxième partie, elle pose des jalons à chacune des étapes de la conversion de l'héroïne avec l'aide d'un engagement sans faille. Dès le premier duo avec Athanaël, elle étale des pianissimi ductiles et filant comme de l'or. Dans un rôle que l'on peut facilement comparer à celui de Violetta, elle retrace le doute qui s'immisce dans l'esprit de la courtisane qui aspire à la vie éternelle. L'abandon se fait sacrificiel, passant de l'effroi à la soumission totale. Le duo de l'acte deux se fait impalpable comme le souffle et dans l'abnégation d'une foi désincarnée. Le cheminement intérieur de Thaïs dans cet acte évoque son psychisme tourmenté par la quête d'une beauté inéluctablement éphémère face à un homme avec lequel la rencontre est finalement ratée.

Athanaël, chanté par un d'airain, se laisse prendre à son propre jeu d'une séduction qui le dépasse et le consume. L'entrée glorieuse du baryton dans « la terrible cité » laisse miroiter les facettes déclaratives et lyriques de l'air. Son personnage évolue peu jusqu'à la chevauchée de l'acte trois où il décrit alors le désespoir de son âme esseulée, alors que l'objet de son amour se dépérit.

, en Nicias, est le ténor souriant, en contrepoint du drame qui se noue à l'arrière et promet à terme une belle carrière dans le chant français. La diction est absolument parfaite, avec une hauteur d'émission brillante dont les interventions sont allègres et vivantes, tout en rendant la tension nécessaire au moment de la fuite de Thaïs d'Alexandrie.

On retient le Palémon sonore de et les rieuses et moqueuses de et de .

En revanche, l' sonne trop souvent trop fort, couvrant les chanteurs qui sont pourtant sur l'avant-scène et laissant paraître le chœur aux connotations chambristes, qui d'ailleurs accompagne, comme le souhaitait Massenet, la reprise de la Méditation à bouche fermée.

Une très belle soirée, avec un public aux anges, portée par une femme incandescente qui se donne entièrement à une émotion brûlante.

Crédit photographique : © Les Grandes Voix

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